RULLAC Stéphane (France) – stephane.rullac@eesp.ch

La réforme du Diplôme d'Etat d'Educateur Spécialisé (DEES), en 2007, s'inscrit dans une réforme globale des formations professionnelles du travail social.
Au-delà de ce champ particulier, l'avènement des référentiels (professionnel, de certification et de formation) a imposé une approche commune qui s'est forgée au sein même de l'éducation nationale, dans les années 1990.
Cette nouvelle donne implique un changement de paradigme de la formation professionnelle, qui ne vise plus à former un esprit libre susceptible de choisir ultérieurement sa fonction sociale, mais un agent social qui s'est choisi préalablement une utilité et cherche à en développer les compétences adéquates.
En frappant de plein fouet l'éducation spécialisée, cette logique révolutionne un secteur en le soumettant à une approche scientifique rationnelle et opérationnelle.
Les enjeux de ce processus touchent toutes les dimensions de ce champ professionnel, qui opposait jusque là une fin de non recevoir à toutes les tentations de formalisation de sa fonction, de son opérationnalité et de son identité.
Si cette période est révolue, il s'agit aujourd'hui que les éducateurs spécialisés développent, certes, une rationalité scientifique propre à garantie leur efficacité, sans pour autant qu'ils perdent de vue leur légitimité inscrite dans leur histoire, construire autour de leurs usagers en difficulté sociale. Ce défi consiste à formaliser une théorie endogène, la pédagogie de l'éducation spécialisée, que la seule référence à la compétence ne serait permettre.
Il est urgent aujourd'hui d'adosser ces références opérationnelles à des valeurs déontologiques, qui font aujourd'hui gravement défaut.
En amenant les éducateurs sur la voie de la formalisation de leurs interventions dans un discours de la méthode à part entière, la réforme du DESS engage une modification profonde de l'identité de l'éducation spécialisée, dont les conséquences concernant leurs interventions sont difficilement mesurables à court terme. Bien-sûr, il s'agira de mesurer précisément dans un avenir proche les effets de cette révolution culturelle.
La question est de savoir dans quelle mesure les éducateurs vont modifier la nature de leurs pratiques, en abandonnant une élaboration méthodologique empirique au profit d'une démarche scientifique. La question est également de déterminer les conséquences d'une visibilité accrue de la rationalité de leurs interventions, vis-à-vis de l'extérieur : les pouvoirs publics, les autres professionnels de l'action sociale, les familles des usagers, les usagers et le grand public.
Finalement, l'évolution en marche est autant une affaire interne en termes de procédures, qu'externe en termes de communication. Cette dernière évolution en date vient donc enrichir la courte mais mouvementée évolution identitaire de l'éducation spécialisée ; évolution que nous nous proposons de décrire dans cet article.