L’émotion dans la relation éducative

Année : 2009

Thème :

Type :

Auteur(s) :

DUMONT Jean-Frédéric (France) – jfdumont@msn.com

Résumé :

CHAUVIERE nous suggérait en 2000, que "le travail social, c'est la transformation volontaire d'une émotion en connaissance et en savoir-faire". Pourtant, en ce qui concerne les éducateurs, la notion de professionnalisme est très souvent opposée à celle d'affectivité. Nombre de formateurs, de professionnels et de stagiaires se réfèrent ainsi au fameux "technicien de la relation" dont le professionnalisme résiderait dans le fait d'occuper une place neutre, bienveillante, afin de se situer dans un "travail permanent de dépossession, où il s'agit de maintenir une place vide, d'où jaillit le questionnement d'un sujet sur son être.
Il s'agit de mettre au service d'un autre ce vide en soi, ce silence, pour qu'il rencontre ses propres questions. (ROUZEL, J. 2001) La proposition vaut sans doute pour un thérapeute, psychologue ou psychanalyste, mais nullement pour l'éducateur. Empathie et neutralité sont souvent pensées dans une visée d'objectivité, d'objectivation des pratiques et de la relation, où le positionnement éducatif résiderait dans un refus de se situer entre les pôles affectifs de l'amour et de la haine, et où le professionnalisme consisterait en la capacité d'évacuer ces deux dimensions au profit d'une place neutre, désaffectivée en quelque sorte.
Or ce raisonnement ne tient pas ; pas plus du point de vue théorique que de celui des pratiques. Du point de vue théorique, empathie et neutralité bienveillante ne renvoient nullement à l'objectivité du praticien; il s'agit bien au contraire pour l'éducateur d'assumer sa subjectivité, et donc ses affects et ses émotions, pour les verser dans les dynamiques de transfert et de contre transfert dont se nourrit la relation éducative.
Du point de vue des pratiques, intuitivement, stagiaires et professionnels perçoivent parfaitement l'absurdité d'une relation désaffectivée et l'impossibilité de nier leur implication et leur subjectivité. "On ne travaille pas avec des morceaux de bois."
C'est ce constat qui nous a amenés à considérer la question des émotions dans les pratiques éducatives. Mon intervention se déclinera en quatre temps.
J'exposerai d'abord, comment on peut envisager les émotions autrement que comme des variables parasites, qui nous envahissent malgré nous et viennent perturber ou dévoyer la relation éducative. Nous les appréhenderons, ainsi que leur expression, non pas comme subies et néfastes, mais au contraire comme un puissant facteur d'expression de soi vis à vis de l'autre et du contexte. Elles sont ainsi, pour l'éducateur comme pour les personnes accompagnées, des possibilités de se dire et de se donner à voir lorsque le discours et la parole ne suffisent plus. Nous envisagerons ainsi les émotions comme permettant un "accordage" des acteurs, dans une dynamique de réactualisation, de renégociation du réel vécu ensemble, dans le but de poursuivre la création d'une fiction commune transformatrice de ce réel.
La seconde partie de ma communication sera consacrée à envisager un dispositif méthodologique permettant aux éducateurs stagiaires ou professionnels de mener à bien cette articulation du personnel, de l'intime et du professionnel, à travers le "partage professionnel des émotions".
Nous nous intéresserons ensuite au rôle que peuvent jouer les émotions et leur "partage professionnel" dans les processus de professionnalisation des éducateurs; processus envisagés comme la transformation d'une représentation sociale de l'éducation spécialisée en une représentation professionnelle de l'accompagnement éducatif.
Je souhaiterais enfin conclure avec vous, au sein d'un échange dynamique, sur le fait que pour l'éducateur, se représenter le monde, c'est s'en émouvoir et donc s'y impliquer. Et, pour le professionnel, s'impliquer, c'est s'expliquer !

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