Transférer des savoirs et des savoirs faire dans l’interculturel
Année : 2009
Thème :
Type :
Auteur(s) :
JAVELAUD Elisabeth (France)
Résumé :
En mai 2005, SM le Roi du Maroc Mohammed VI a lancé un programme d'envergure : l'Initiative Nationale du Développement Humain. Celui-ci s'est donné pour cibles de développement : la construction d'infrastructures en eau potable, en électricité et en réseaux routiers ; la création d'emplois et d'activités génératrices de revenus ; enfin, le développement de services sociaux pour les publics spécifiques (jeunes à risque, femmes, sans domicile, personnes âgées et personnes handicapées).
Dans ce cadre, un établissement public national, en charge des populations vulnérables, a souhaité lancer un programme de modernisation de son dispositif de lutte contre la pauvreté et les disparités sociales.
L'axe majeur, la décentralisation/déconcentration, préparant à terme « un processus de transfert de responsabilités du central vers le régional et le provincial », correspond au souhait d'améliorer l'efficacité de son action, en délégant certaines attributions de l'échelon administratif central, à ses agents locaux.
Si la déconcentration implique une adaptation de l'organisation administrative des services de l'établissement public, en conservant sa structure hiérarchique, elle s'appuie sur une montée homogène en compétences, de l'ensemble de ses agents.
L'établissement public s'est retourné vers les services de Coopération de l'Ambassade de France, qui mettaient à sa disposition des experts français, pour accompagner une partie de cette dynamique. Sur place, les interventions des experts n'ont cessé de croiser les références culturelles liées aux contextes nationaux. Ainsi, la demande de l'établissement public d'une aide à la conception de modèles d'établissement proches des standards européens, nécessite de faire émerger les écarts entre l'existant et l'idéal. Cette démarche confirme combien le rapport au réel est un construit culturel qui s'avère malaisé à partager.
D'autant que les uns pensent en « processus toujours à l'œuvre » et les autres en « modèle fini », rencontrant de nouveau des cultures du changement bien différentes. Une première approche de la société marocaine amène à constater que cette société est culturellement structurée sur le droit, ce qui pourrait être vu comme proche du cadre européen ; mais à la différence des sociétés européennes, elle n'a pas pour base l'individu et son autonomie. La structure de base en est la famille.
Ainsi, les expériences de prise en charge des « enfants des rues » relatées par les intervenants sociaux des territoires, butent sur l'objectif affiché du retour en famille, alors que les situations sociales d'éclatement des cellules familiales les plus démunies, ne le permettent majoritairement pas.
L'utilisation d'un terme générique pour désigner un public cible n'implique pas qu'il existe un consensus concernant ce concept. Construire une définition commune « des enfants des rues » est complexe: beaucoup enfants vivent dans la rue au Maroc, notamment dans les quartiers défavorisés et les bidonvilles ; ce qui ne signifie pas qu'ils sont « enfants des rues ». La plupart erre la journée, parce qu'ils sont déscolarisés ou font de petits boulots (ou du trafic) nécessaires à leur survie, mais rentrent dormir en famille le soir.
De fait, un tel terme, non stabilisé pour les acteurs sociaux des territoires, provoque des risques de piétinement, de blocage des échanges et de la possibilité d'approfondir la réflexion.
Ces quelques exemples montrent la difficulté de transmettre des pratiques professionnelles entre acteurs de cultures différentes. Le nécessaire décentrage permanent oblige à revisiter les référentiels et les méthodologies d'intervention.
Ces ajustements sont au cœur du processus d'accompagnement d'une professionnalisation des acteurs sociaux dans le cadre d'une coopération internationale.
Mots clés :
← Retour à la liste des articles