Une recherche par les pairs en protection de l'enfance
Année : 2012
Thème : Les jeunes sortant de la protection de l'enfance font des recherches sur leur monde
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
ROBIN Pierrine (France) – pierrine.robin@u-pec.fr
MACKIEWICZ Marie Pierre (France) – marie-pierre.mackiewicz@u-pec.fr
BOULOUS Adeline (France) – adeline.boulous@live.fr
Résumé :
A un moment où la science doit faire face à une double crise de scientificité et d’utilité (Pourtois, Desmet, Lahaye, 1993), les recherches-actions collaboratives ou les « participatory action research » se développent (Liebel 2010). Marquant un passage d’une perspective positiviste à une perspective constructiviste, ces recherches visent à rapprocher les communautés de recherche et de pratique (Desgagné 1997). D’abord développées auprès de professionnels, puis d’adultes en situation d’usage des services sociaux, elles concernent plus tardivement, comme ici, des enfants et des jeunes en situation de vulnérabilité.
La démarche présentée est une recherche par les pairs, sur la transition à l’âge adulte, au sortir d’une mesure de protection de l’enfance. A l’initiative de ce projet se trouve une collaboration entre une chercheuse de l’Université Paris Est Créteil et une conseillère technique de SOS Villages d’Enfant, à laquelle ont été associés deux chercheuses de l’UPEC. Elles ont obtenu un soutien de l’Observatoire National de l’Enfance en Danger, de la Fondation d’Auteuil et des Conseils généraux du 92 et du 94, qui leur ont permis d’accéder à des jeunes pairs.
Un groupe de 13 « jeunes chercheurs pairs » a été constitué. Ils sont âgés de 18 à 29 ans, partagent une expérience en protection de l’enfance, et ont des formations variées (du CAP au Bac +5). Suite à une formation aux méthodes de recherche, les jeunes chercheurs pairs sont associés à toutes les étapes du processus : de l’élaboration des questionnements, à l’analyse, en passant par le recueil. Trois méthodes ont été retenues par le groupe pour un premier temps d’enquête par entretien individuel : une trame de « discussion », un questionnaire auto-renseigné, et un photo-langage. Par ailleurs, le choix a été fait par les jeunes chercheurs pairs de ne pas accéder aux enquêtés uniquement par les listes données par les partenaires, mais en utilisant aussi leur propre réseau. On est donc ici dans une approche qui mêle méthodes de recherches traditionnelles et adaptation des méthodes. Mais surtout le protocole témoigne de la sensibilité des jeunes chercheurs pairs au recueil et au soutien de la parole de jeunes, qu’ils savent méfiants à raconter leurs parcours.
Dès les premiers contacts, il s’est avéré que les jeunes chercheurs se mobilisaient pour échanger sur leurs parcours, pour que leur expérience soit connue, et qu’elle permette de modifier les dispositifs (par exemple, le contrat jeune majeur) et les pratiques (par exemple, l’information, le suivi au moment de la majorité). Une question qui semble se profiler est la nécessité de faire connaître les stratégies d’ajustement, mises en place pas les jeunes, « ces faiblesses » qui peuvent aussi devenir « des forces ». La recherche collaborative peut donc permettre de référencer scientifiquement l’expérience quotidienne et interroger les rapports de pouvoir et de domination dans la production de connaissance (Nieuwenhuys 1997).
Pour l’instant, la recherche est en cours : l’équilibre se cherche entre la gestion d’une dynamique de recherche innovante sur le terrain, et les apports et pondération d’autres travaux de recherche. Les jeunes chercheurs pairs sont dans un processus de renégociation de leur rôle, entre l’envie de soutenir l’enquêté et le risque de trop conduire le propos. Dans le recueil des données, l’effet miroir joue un effet important. Les chercheuses de l’université ont également a trouvé leur place entre la prise de responsabilité, la médiation et la volonté de laisser beaucoup de liberté au groupe. Il y a beaucoup de tensions à fonctionner ainsi, notamment avec les partenaires, et de négociations qu’il faut peut-être davantage expliciter que dans d’autres méthodes. Ce processus sensible et fragile rassemble beaucoup d’énergie et d’humanité. Les résultats de la RAC ne peuvent donc que laisser des traces dans une pratique de recherche, pour un renouvellement des formes de connaissances.
Mots clés :
Conscientisation, Participation, Quête du sens
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