Expertise associative et citoyenne, tiers secteur scientifique et recherche publique
Année : 2012
Thème : La société civile au coeur de la production de savoirs
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
STORUP Bérangère (France)
NEUBAUER Claudia (France) – claudia.neubauer@fph.ch
Résumé :
Proposition de communication
La recherche participative peut être définie comme une recherche menée dans le cadre d’un partenariat égal entre un partenaire académique et un partenaire de la société civile. L'objectif est alors de produire collectivement des connaissances qui, à la fois, constituent un réel intérêt scientifique pour le chercheur et répondent également aux besoins du partenaire associatif : citoyens lambdas, militants associatifs ou syndicaux, usagers (ex. malades), praticiens (ex. agriculteurs). Les résultats produits résultent d’un processus mêlant expertise citoyenne et scientifique. Notre propos vise à mieux qualifier cette expertise associative et citoyenne, que nous appelons tiers-secteur scientifique (TSS).
Le degré d’implication des partenaires de la société civile dans les différentes étapes du processus peut varier selon leur nature, leurs capacités et l'objet de la recherche. Nous éclairerons chaque degré d’implication dans la production de l’expertise par des exemples qui pourront servir aux acteurs à se positionner et ainsi favoriser la réflexivité dans le processus de recherche.
Cette gradation peut également s’effectuer en fonction des buts que se donne l’association, (mobilisation occasionnelle d’experts, veille sur les études publiées, orientation de la recherche, recherches originales, etc), ou en fonction du statut juridique, du positionnement face à l'Etat et aux institutions, du degré d'implication dans la production de savoirs, du rapport établi entre non spécialistes et professionnels (de la prestation de service par des "scientifiques professionnels" engagés jusqu’à la co-production des savoirs par les "profanes").
Ce travail d'élaboration de savoirs (recherche, expertise, études) se fait en dehors des institutions étatiques ou des firmes privées (d'où "tiers secteur") qui ne répondent pas toujours aux besoins de la société civile, du développement humain et du développement durable.
Le tiers secteur scientifique construit des savoirs alternatifs, au sens où ils sortent des cadres thématiques, paradigmatiques et méthodologiques qui dominent dans les institutions de recherches publiques et privées (ex. le paradigme réductionniste et productiviste de la recherche agronomique). Ces savoirs diffèrent parfois aussi des savoirs classiques par leur caractère non générique et leur pertinence locale (ils sont construits par et pour le groupe local concerné (ex. malades).
Le tiers secteur scientifique construit des savoirs selon un mode participatif, au sens où la division du travail entre experts et “profanes” (usager des savoirs) et le rapport de délégation cèdent la place à un rapport de dialogue et de co-production des connaissances et des innovations.
Le tiers secteur scientifique s’inscrit donc pleinement, par ses valeurs, ses pratiques et ses résultats cognitifs, dans la mouvance plus large de l’économie sociale et solidaire dont il est un pilier cognitif. Il est porteur d’un modèle élargi de production des savoirs et des innovations qui peut se généraliser, comme en témoignent les succès de la mouvance du logiciel libre.
La montée de l’expertise associative participe plus globalement de l’affirmation de la société civile et de l’espace public comme espace de négociation démocratique des innovations et des choix scientifiques. C’est donc l’émergence d’une société civile mature, aspirant non seulement à se doter de capacités propres de recherche et d’expertise, mais aussi à être pilote et commanditaire de la recherche publique. Le TSS s’inscrit dans un mouvement plus général de recherche d’un nouveau pacte social entre science et société, de maîtrise sociale et de démocratisation de la science, qui comprend aussi bien de nouveaux dispositifs d'élaboration démocratiques des orientations techno-scientifiques (conventions de citoyen…) que les espaces (associatifs, syndicaux…) où se déroulent des activités de contrôle citoyen de la recherche et des technologies.
Mots clés :
Tiers secteur, Co-construction, Démocratie locale
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