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Les défis des intervenants sociaux en francophonie minoritaire canadienne:

Année : 2012

Thème : Une construction de savoirs et un réseau de solidarité dans l'Est ontarien et au Manitoba

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

DROLET Marie (Canada) – mdrolet@uottawa.ca
GIASSON Florette (Canada) – fgiasson@ustboniface.ca
SAVARD Sébastien (Canada) – ssavard@uottawa.ca

Résumé :

Cette communication présentera conjointement deux comptes-rendus de recherche sur des pratiques d’intervenants de deux milieux francophones minoritaires, de l’Est ontarien et du Manitoba. Ce savoir se construit à partir d’une volonté d’intervenants d’être des acteurs au sein de leur milieu bilingue et de dépasser leur statut de minoritaires.

Les personnes parlant une langue minoritaire, comme le français dans certaines régions du Canada, rencontrent d’importantes barrières à recevoir des services sociaux adéquats. Ils peuvent éprouver de la difficulté avec la langue de la majorité ou n’obtenir aucun service dans leur propre langue. Dans une société bilingue ou multilingue comme le Canada, une hiérarchie s’installe entre les groupes linguistiques. Cette hiérarchisation est légitimée par un processus qui favorise les membres d’un groupe majoritaire, qui détenant des acquis, est motivé à ne pas les perdre (Tajfel et Turner, 1986). Les membres de la communauté minoritaire auront tendance à s’effacer, se replier sur eux-mêmes et se conformer aux normes (Hogg et Abrams, 2003). Cette contextualisation met en lumière ce qui justifie que les personnes minoritaires soient moins enclines à demander des services dans leur langue malgré leurs droits (Allaire, 2007).

Devant cet état de fait, deux équipes de chercheurs, l’une d’Ontario et l’autre du Manitoba, se sont interrogées sur les défis qu’affrontent des intervenants francophones travaillant en contexte bilingue et sur leurs stratégies pour que des services soient donnés aux usagers francophones dans la langue de cette minorité. Huit groupes d’entretien ont eu lieu à l’automne 2011 auprès de 43 intervenants offrant des services en français dans 21 organismes de services sociaux et de santé de l’Est ontarien. Au Manitoba, cinq groupes d’entretien regroupant 29 professionnels de la santé offrant des services sociaux et de santé en français en milieu urbain et rural ont été menés à l’automne 2010. Pour ces deux études, il y a eu des analyses déductives et inductives des verbatims (Huberman et Miles, 1991).

Dans ces deux provinces où les francophones représentent 4% de la population, des limites d’accès à des services en français révèlent des écarts notables entre le contexte reconnu bilingue et le manque de disponibilité de services. En effet, les services en français ne sont pas toujours disponibles dans les établissements désignés bilingues ou sur un continuum. Les intervenants affrontent des défis pour orienter leurs clients vers un collègue francophone ou francophile en raison d’une pénurie d’intervenants pouvant offrir des services spécialisés ou complémentaires aux leurs. Ils identifient aussi un manque de connaissance des ressources humaines disponibles en français et une mise en réseau officielle déficiente.

En revanche, dans le but de faire de l’offre active de services en français, les intervenants rejoints en Ontario et au Manitoba mettent en place des partenariats informels de collaboration avec des collègues de leur établissement ou d’autres organismes. Ils se donnent la chance de bénéficier de réseaux de soutien, soit de l’aide instrumentale et socio-affective donnée par ceux-ci dans l’accomplissement de leurs tâches. Du fait que les études ont démontré sans équivoque que la combinaison de demandes élevées, du manque d’autonomie dans la gestion de leurs responsabilités et du peu de reconnaissance des efforts accomplis ont un impact majeur sur la santé des travailleurs (Siegrist, 2001), le soutien social que ces acteurs déploient entre eux apparait comme un contrepoids à valoriser, voire légitimer. En fait, si les personnes minoritaires ne peuvent plus se construire une identité fondée sur une image positive de soi, elles quittent leur groupe d’origine pour rejoindre le groupe valorisé (Tajfel et Turner, 1986). Bref, au lieu de s’assimiler à la majorité, ces intervenants construisent un savoir de solidarité entre francophones et francophiles.


Mots clés :

Enjeux, Solidarité, Réseau, minorité linguistique

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