Intervenir auprès des migrants non régularisés
Année : 2013
Thème : Tensions, paradoxes et recomposition de l'intervention sociale.
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
BALLIERE Frederic (France) – frederic_balliere@hotmail.com
Résumé :
Il y aurait en France entre 200 et 400 000 migrants en situation irrégulière. Ce chiffre recouvre des réalités sociales, ethniques et administratives très diverses. Ces personnes peuvent être déboutées du droit d’asile, travailleurs sans papiers ou encore étrangers venus rejoindre leur famille en dehors de la procédure de regroupement familial. Quelque soit leur trajectoire migratoire, le dénominateur commun de cette population est qu’elle se trouve dans l’impossibilité légale de construire sa vie en France. Faute de droit au séjour, les possibilités d’accès au logement, à l’emploi ou aux droits sociaux sont quasi inexistantes. Ces migrants sont parfois à la rue, hébergés chez des compatriotes ou dans des centres d’hébergement d’urgence et ne bénéficient d’aucun subside pour assumer leur besoins courants.
Face à ces populations, les travailleurs sociaux n’ont que peu de réponses à apporter alors même que celles ci auraient besoin d’un accompagnement soutenu, du fait de la précarité sociale dans laquelle elles se trouvent. Dans un numéro spécial de la revue « Hommes et Migrations », Elisabeth Dugue, Guillaume Malochet, Patrick Nivolle soulignaient que : « La question du titre de séjour représente en effet un obstacle incontournable, toutes les autres dimensions de l’insertion (travail, formation, revenus, logement) lui étant soumises.»
En réalité, l’intervention sociale auprès des non nationaux, et ceux en situation irrégulière en particulier, illustre et noue en elle des questions plus larges qui affectent le champ du travail social depuis plusieurs décennies. Confrontés à une rationalisation de l’activité et une baisse des moyens, il s’agit désormais pour les intervenants de maintenir le lien avec les publics les plus fragilisés, sans avoir nécessairement de prestations sociales à mettre en œuvre. Dès lors, c’est la nature même de l’intervention qui s’en trouve transformée. Celle ci repose désormais sur la co-construction d'un projet qui engage le bénéficière dans la mobilisation des resssources nécessaires à la resolution de ses difficultés.
Ces transformations soulèvent un certain de nombre d’interrogations qui se posent de manière encore plus forte pour les migrants en situation irrégulière :
Comment l’autonomie peut elle être une condition de l’intervention quand les supports sociaux sont défaillants ? Comment s’engager dans un travail social ayant pour objet l’intégration quand des migrants risquent une arrestation et une reconduite dans leur pays d’origine ? Face à ces difficultés, comment les intervenants sociaux vivent-ils leur engagement dans l’intervention et quel registre d’action peuvent-ils développer pour faire face à ces contraintes ? En un mot et pour reprendre les termes de Jacques Ion comment « faire du social sans social » et tenir malgré tout la relation avec ces usagers.
A partir des résultats d’une enquête ethnographique réalisée dans un service assurant l’hébergement d’urgence de familles migrantes non régularisées, cette communication se penchera sur ces questions en mettant au jour les tensions morales et politiques dans laquelle s’inscrit l’activité des professionnels. A partir de données de terrains issues d’une d’observation directe et d’entretiens conduits avec les intervenants sociaux, elle s’attachera à rendre compte de la façon dont les travailleurs sociaux traversent les « épreuves de professionnalités » générées par ces expériences de travail et contribuent ainsi à redéfinir les contours de l’intervention sociale.
Mots clés :
Intégration, Autonomie, Intervention sociale et travail social, travail relationnel
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