Les « non-humains » : un absent de la recherche action collaborative ?

Année : 2013

Thème : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Auteur(s) :

BAYER Véronique (France) – annarurka@yahoo.fr

Résumé :



Cette communication a pour ambition d’ouvrir un chantier sur un absent du débat dont fait état l’appel à communication sur les recherches-actions collaboratives, à savoir les objets nommés « actants » par les sociologues de la traduction. Le statut d’actant est préféré à celui d’acteur car il réserve une consistance propre aux objets. (M. Akrich, 2006). Il s’agit ainsi de ne pas laisser les entités non-humaines en dehors de l’analyse. Pour les sociologues de l’innovation, les situations sont à appréhender comme « un ensemble d’entités humaines et non-humaines, individuelles ou collectives, définies par leurs rôles, leur identité, leur programme » (M. Callon, 1992). Nous voudrions ainsi dans le cadre de ce colloque, penser la recherche-action collaborative certes à partir de l’ensemble des acteurs (chercheurs, professionnels, usagers) sans exclure les acteurs non-humains et ainsi tenter de comprendre comment ils coopèrent pour exister réciproquement.

L’un et l’autre, formateur et chercheur dans le travail social, nous proposons d’initier la réflexion dans ce champ en mesurant l’intérêt de l’étendre à d’autres secteurs ou disciplines. Intégrer les non-humains dans la recherche en travail social demande tout d’abord à prendre mieux en compte la place qu’ils tiennent dans la configuration et définition du travail social, et plus globalement dans les relations sociales. En effet, une des résistances des travailleurs sociaux vis à vis des objets réside dans le fait qu’ils échapperaient au « sacro-saint » domaine des sujets que sont les publics et les professionnels. Le travail social est marqué par un déficit de représentation et de réflexion sur ses objets. Cette classe d’actants particuliers, pour parler comme Bruno Latour, est sous-évaluée par rapport aux personnes. Or, le travail social n’est pas seulement le produit d’activité humaine. Les objets agissant le définissent et le constituent aussi. Mais pourquoi leur accorde t’on si peu de dignité ? Au-delà du scandale que revêt cette proposition, il nous semble surtout que ce déni dans le travail social, mais plus globalement dans les métiers du care, c'est-à-dire du soin et de l’aide, relève d’un impensé. En effet, le travail social, pour pallier la critique de son invisibilité et de son déficit de résultats, se dote toujours plus de multiples objets qui démontrent ces aspects formels et quantitatifs : rapport d’activité, règlement de fonctionnement, tableaux de bord… Il montre ainsi une technicité professionnelle de plus en plus raffinée qui exige d’analyser non seulement ces nouveaux objets qui sont l’expression d’une rationalisation de l’action mais aussi tous les objets constituant des assemblages « bricolés » qui agissent parce qu’ils entrent en rapport avec les humains. Cette réflexion montre une certaine méconnaissance du travail social de la fonction sensible et émotionnelle des objets et notamment de tous les objets qui relèvent des images et d’un savoir des visibilités opposés au savoir discursif, comme les objets produits par l’activité artistique par exemple.

Pour illustrer notre propos et engager la critique, nous présenterons une RAC conduite depuis 2007 avec des travailleurs sociaux, des chercheurs, des formateurs et des artistes dont l’objectif est, chaque année, de réaliser une exposition intitulée "L’objet du travail social" convoquant des objets aussi divers que le cahier de liaison, le dossier de prise en charge, etc... L’idée étant de rendre visible le travail social en train de s’effectuer dans la mise en scène visuelle des ses objets sous forme d’images, photos ou vidéos, d’œuvres en trois dimensions, d’installations diverses, de performances et de montrer comment ces actants humains et non humains participent à définir l’action sociale, éducative, et la recherche.

Mots clés :

Acteurs, Recherche-action, Formation, objets, art

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