Former des formateurs : au centre de paradoxes sur le savoir et le pouvoir
Année : 2013
Thème : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...
Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...
Auteur(s) :
LARIVIERE Claude (Canada) – claude.lariviere@umontreal.ca
Résumé :
Les limitations budgétaires que connaissant nos sociétés en cette période de recherche d’un équilibre entre les revenus et les dépenses de l’État qui soutient des réseaux de formation et de dispensation de services nous conduisent à un étonnant paradoxe.
Si nous voulons former des praticiens expérimentés à devenir eux-mêmes formateurs dans leur milieu de pratique, ils se sentent impuissants, presqu’incompétents. Nous sommes les experts parce que nous avons sacralisé nos manipulations des concepts et notre maîtrise de la recherche et de l’écriture. Pourtant, lorsqu’on nous demande de former des formateurs praticiens, nous ne savons guère comment faire, à notre tour. Le transfert de connaissances n’est pas l’habilitation à les mettre spontanément en pratique (Dalkir, 2010; Ermine, 2010).
Comme formateurs expérimentés nous « savons » (et pensons « savoir faire » c’est-à-dire « former » à partir des connaissances que nous possédons) mais nous éprouvons de la difficulté à « enseigner » c’est à dire « apprendre à apprendre » et faire du « s’éduquant » de Freire (1974) un auto formateur lui-même capable d’animer sa communauté de pratique.
Nos cadres conceptuels théoriques pensés dans un contexte académique sont très souvent déconnectés de la pratique terrain où les aspects concrets, les contraintes professionnelles et le contexte bureaucratique du fonctionnement organisationnel limitent l’autonomie des intervenants sociaux. Comment permettre à des praticiens expérimentés et réflexifs (Schön, 1993) de devenir progressivement des praticiens experts puis des formateurs de leurs collègues (Racine, 2000) ? Voilà le défi qui nous intéresse et que nous aimerions aborder.
Dans les faits, le système éducatif traditionnel repose sur un rapport dialectique où le savoir du maître dominant est imposé à l’apprenant dominé et qui apprend mécaniquement (en notant ce qu’on lui dit). Pour dépasser cette conception bancaire de l’éducation, il faut à la fois mettre en action l’expérience professionnelle des participants, les amener à interagir entre eux par des échanges réflexifs et développer leur capacité critique de voir, comprendre et s’approprier des instruments et des contenus pour qu’ils deviennent eux-mêmes des formateurs dans leur milieu. En ce faisant, nous devenons animateur plutôt qu’enseignant. La relation traditionnelle de supériorité est remplacée par la co-construction (Ramaswamy, Gouillart, 2010) d’un savoir et d’un savoir faire commun. La relation duelle (formateur/s’éduquant) est élargie et transformée en interaction entre le formateur expérimentateur et le groupe de s’éduquant. Nous opérons ainsi un passage du « faire avec » à un « faire faire » permettant le faire par soi-même. Nous nous rapprochons aussi du mode d’apprentissage collectif propre aux communautés de pratique (Wenger, 2003; Cohendet; Cyr, 2011).
Cette expérimentation a été entreprise, en 2012, avec l’Agence de la Santé et des Services sociaux des Laurentides (Larivière, 2012) soucieuse de développer un noyau de formateurs capables de soutenir leurs collègues dans l’usage des pratiques interdisciplinaires et des outils de soutien adaptés (plan d’intervention interdisciplinaire, plan de services individualisés interorganisationnels). La réflexion autour des exigences particulières de cette pratique se poursuit dans un cadre plus large portant sur les formes de soutien que les organisations professionnelles peuvent apporter à leurs personnels (Valentine, Nembhard, et Edmondson, 2012).
Mots clés :
Formation, Transfert des connaissances, Savoir-faire
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