BATAILLE Jean-Marie (France) – bataillejeanmarie@yahoo.fr

L'intervention s'attachera à mettre au travail un modèle de production de savoirs en animation socioculturelle en montrant les différentes étapes pour atteindre une élaboration théorique. La modélisation s'appuie sur la théorie ancrée (voir bibliographie) qui vise, a contrario du modèle spéculatif dominant en sociologie, à construire de façon raisonnée le passage de simples hypothèses tirées des données et des pratiques, à des processus argumentés voire des théories. Dans la construction proposée ici le passage par des phases d'action rend la démarche singulière. Nous parlerons de pédagogie pour souligner le caractère hybride des savoirs produits. La proposition de contribution s'appuie sur un corpus de théorisation de l'auteur et vise la production d'un premier schéma méthodologique circonstancié. Après la présentation de modèle de théorisation sera discuté la question de la diffusion des savoirs produits.

La phase ethnographique
Le travail sur les données suit plusieurs voies qui sont autant de moyens pour accéder à une première formulation d'hypothèses (description par les animateur.trices de situations au sens de Goffman [Joseph] ; travail sur les discours produits à partir d'archives, de documents professionnels, d'articles de journaux ou de revues ; descriptif de matériaux issus du terrain comme vidéos, photos, traces diverses ; observations circonstanciées…). Les faits acquièrent le statut de donnée en passant sous forme de trace écrite. Le terme ethno-graphie est bien adapté à ce processus.

La comparaison continue des données
Deux mouvements sont entremêlés et en permanence s'articulent : la catégorisation des données et l'échantillonnage. Chaque fois qu'une catégorie est construite, est à la fois vérifié sa capacité à absorber les données, aucune donnée ne devant rester hors des catégories, et à la fois, la portée de la catégorie, son existence peut fait apparaître d'autres données qui étaient restées hors de vue. En fait, c'est toujours un système de catégories qui se créent. Le travail consiste à le faire émerger avec tout ses éléments. Par échantillonnage, c'est-à-dire par le choix de cas, le système processuel (processus plus ses catégories), est testé et validé.

La reformulation théorique
Si le test est réussi, l'hypothèse va sortir de la catégorie de l'expérience en acquérant un caractère de théorisation. Pour devenir tout à fait une théorie, cette théorisation devra subir un autre test qui fait la singularité des théories pédagogiques : on vérifie qu'on obtient bien les mêmes résultats en suivant cette fois-ci de façon volontaire le processus dégagé dans l'analyse des données. On peut dire que c'est la pratique qui valide la théorie construite elle, comme le descriptif crédible d'un processus.

Théorie substantive/théorie formelle
La dernière phase consistera à passer d'une théorie locale, substantive, à une théorie formelle en cherchant des cas dans des contextes différents.

Produire, accumuler et diffuser les savoirs de l'animation socioculturelle
L'élaboration de plusieurs théories dans le champ de l'animation m'amène aujourd'hui à m'interroger sur les modalités de validation des savoirs construits dans le champ. Sous cette question, je range la question de la controverse et celle de l'accumulation des savoirs. La création d'espace de polémique est nécessaire pour saisir si un cas est une limite à une précédente théorisation, une confirmation ou une remise en cause avec l'ouverture à d'autres cas qui n'ont pas été pris en compter jusqu'ici. Le problème est de construire des forums hybrides où pratiques et théories seront confrontés puisque c'est la pratique qui sert de test pour les théories pédagogiques. Je ne fais pas de distinction praticiens/théoriciens, ces deux aspects étant réunis chez les pédagogues. J'essaierai de présenter un modèle de production, accumulation et diffusion du savoir à partir de mon expérience.

Animation, Épistémologie, Recherche-action, théorie ancrée