La catégorisation comme mode de légitimation dans les récits d’intervenants sociaux
Année : 2013
Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
LAPIERRE Josée-Anne (Canada) – jalapierre@gmail.com
HUOT François (Canada) – huot.francois@uqam.ca
Résumé :
La légitimation de l'action constitue un impératif de la professionnalité – le professionnel doit être en mesure de justifier ses actes et d'expliquer ses décisions, faute de quoi sa crédibilité pourrait être entachée. L’action en travail social est indissociablement liée à la mise en œuvre d’une légitimation : il s’agit là par ailleurs d’une caractéristique générale de l’action, selon Garfinkel (1968), qui affirme que toute action sera performée en prévision d’une légitimation éventuelle. Les productions langagières des travailleurs sociaux s’avèrent ainsi marquées par une reddition de compte, elle-même soutenue par des processus de catégorisation (Makitalo, 2003). Qualifier un parent de "négligent", un intervenant de "bien intentionné" ou les comportements d'un adolescent de "conduites à risque" autorise ainsi certaines interventions plutôt que d'autres. Il s'agit là d'une forme de connaissance élaborée en cours d'action: les concepts de "théories en actes" (Couturier et Huot, 2003) et de "categorization at work" (Hall, Slembrouk et Sarangi, 2006) font état de cette théorisation mobilisée dans les récits des intervenants sociaux, qui serait identifiable notamment par l'usage de catégories. La catégorisation est ici comprise comme une action sociale (Edwards, 1991), c'est-à-dire qu'elle est construite au fil des interactions.
Nous adoptons ainsi un angle interactionniste et une analyse narrative (Riessman, 2006; White et Epston, 1990) pour étudier l’usage des catégories dans les récits des intervenants sociaux et plus particulièrement la fonction de légitimation jouée dans ces processus. Une étude exploratoire menée auprès d’intervenants sociaux québécois (Lapierre, 2012) sert d’empirie afin d’illustrer de quelle façon, à partir de vignettes cliniques, ceux-ci catégorisent le travailleur social, le destinataire de l’intervention, le contexte de l’action et les conséquences anticipées de celle-ci afin de justifier et d’expliquer des décisions qui ont été prises. Ce processus de catégorisation participe à la construction du « caractère moral » (Hall, 1997) de l’acteur – qu’il soit intervenant ou destinataire des interventions – ainsi qu’à la définition du caractère moral de l’action. Ce faisant, différents types d’éthique sont mis de l’avant. L’éthique aristotélicienne de la vertu se voit ainsi déployée dans les catégorisations des personnes, alors que les éthiques basées sur l’examen des procédures et des conséquences de l’action sont respectivement mises en œuvre dans les catégorisations du contexte et des conséquences de l’action.
Les conséquences de cette catégorisation sur les pratiques d’intervention seront discutées, notamment sur le plan de la « prise en compte » (Karsz, 2004) du destinataire de l’intervention sociale.
Mots clés :
Savoirs, Analyse de discours, Éthique et déontologie
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