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L’activité des éducateurs sociaux entrevue sous l’angle de la corporéité : regard croisé entre praticiens, enseignants, chercheur et étudiants

Année : 2013

Thème : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Auteur(s) :

LOSER Francis (Suisse) – francis.loser@hesge.ch
DONNAT Esther (Suisse)
TESTINI Antonio (Suisse) – antonio.testini@hesge.ch

Résumé :

Les pratiques des éducateurs se trouvent actuellement bousculées dans leurs repères traditionnels (introduction des normes qualité, hiérarchisation du métier, etc.) et nous estimons central que dans la formation des étudiants une attention toute particulière soit accordée à la posture professionnelle. Entre une éducatrice sociale, un éducateur chargé de cours et un enseignant-chercheur, l’idée nous est venue de nous intéresser à cette question, et plus particulièrement à la part de corporéité qui ressortit de l’activité des éducateurs, en menant une expérience de type recherche-action avec des étudiants de la HETS .
Lorsque nous évoquons la corporéité de l’agir, nous faisons référence à différents travaux et approches. Nous pensons bien sûr à la mètis, l’intelligence pratique des Grecs que Michel de Certeau (1990) assimile aux arts de faire et autres bons tours, dont s’emparent Christophe Dejours (2003) et Yves Clot (1998) pour définir l’homme au travail et Mireille Cifali (1994) pour appréhender le savoir-faire des éducateurs. La corporéité de l’agir concerne aussi la notion d’« habitus », que Pierre Bourdieu (1980) associe au sens pratique et au « savoir par corps », et la théorie mimétique (Gebauer & Wulf, 2004) qui vient souligner la part corporelle des apprentissages de socialisation. A l’instar des gestes quotidiens, l’activité professionnelle repose sur « cette intelligence du corps […] méconnue par ceux-là mêmes qui pourtant la mettent en œuvre constamment » (Dejours, 2003, p 22). Comme le remarque Hans Joas (2008), il ne s’agit toutefois pas de concevoir le corps sous le seul angle d’un agir instrumental, mais de considérer ce dernier aussi pour sa part de passivité, de réceptivité et de sensibilité. A ce sujet, Richard Shusterman note que « je suis un corps et j’ai un corps» (2009, p 45) et cette expérience existentielle incarnée est formatrice de notre rapport au monde.
Lorsque l’agir humain n’est pas réduit à l’activisme, cela confère un statut à la sensibilité et à l’affectivité qui sous-tendent l’activité des éducateurs et l’ensemble des interactions dans lesquels ces derniers sont quotidiennement engagés avec les usagers. D’une certaine façon, le travail éducatif relève de l’esthétique car « il existe une forme de compréhension située en-deçà de l’interprétation, et même en-deçà du langage » (Shusterman, 2007, p 8). De fait, l’acte éducatif suppose « un engagement exigeant l’implication de soi […] » (Gaberan, 2007, p 103), voire une certaine « emprise » (Cifali, 1994, p 134). Michel Lemay (Capul & Lemay, 2005) note à ce sujet que « le principal outil de l’éducateur, c’est sa personnalité », ce que ne renie pas Donald Schön qui estime que l’activité des professionnels requiert certes de la réflexivité, mais également la mobilisation de savoirs incorporés (Schön, 1994).
Pour amorcer notre démarche, nous avons appréhendé notre objet à partir de nos différents rôles professionnels afin d’identifier quelques outils et apports à même d’aider les éducateurs à prendre davantage conscience de leur positionnement, notamment corporel, en cours d’activité (tonus, tensions, registres émotionnels, etc.). Pour soutenir notre cheminement, nous bénéficions d’un journal de terrain, dans lequel sont consignées les observations in situ d’une dizaine d’éducateurs en activité , et nous prenons également appui sur les apports que proposent l’hypnose éricksonienne (Roustang, 2003) et la phénoménologie (Depraz, 2006). Dès le semestre de printemps, nous allons poursuivre nos expérimentations avec plusieurs groupes d’étudiants afin de tester et adapter plus avant notre approche méthodologique.



Mots clés :

Transfert des connaissances, Secteur socio-éducatif, Savoir être, posture professionnelle corps sensibilité

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