Quand les mots se heurtent aux maux : portrait d’un savoir morcelé

Année : 2013

Thème : Étude portant sur l’expérience subjective de l’usager des services de santé mentale au Québec.

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

LAROSE-HÉBERT Katharine (Canada) – klaro099@uottawa.ca

Résumé :

Les discours médical et psychologique enserrent encore aujourd’hui l’expérience de la folie, répertoriant ses plus subtiles manifestations au sein de schémas nosologiques sophistiqués ou à travers l’expression d’un inconscient traumatisé. De cette catégorisation et interprétation fine du comportement et de l’affect humain découle une inévitable référence morale, une évaluation rendue « positive », une science du normal et du pathologique. L’approche biomédicale, actuellement fortement dominante dans les sociétés occidentales, privilégie ce qui est mesurable, faisant en sorte que la subjectivité de celui sur qui l’attention experte se livre, s’efface, se dissout au sein d’une analyse symptomatologique. Cependant, tel que le soulève Poirel et Corin (2011), le sens fondamental de l’expérience vécue ne peut être réduit aux symptômes; l’individu entretient un rapport intime et nuancé à sa maladie, à son « parcours d’infortune » (Vrancken, 2009, p. 68). C’est pourquoi, ajoutent-elles, certaines questions, telles que la subjectivité, se trouvent très souvent reléguées à l’extérieur de la psychiatrie traditionnelle. La place réservée à la subjectivité, « dimension, qui excède et résiste à l’objectivation à l’oeuvre dans certaines pratiques médicales et sociales » (Poirel et Corin, 2011, p. 115), est souvent remise en cause dans la pratique du « traitement ». Pourtant, le savoir sur soi offre un accès unique à certaines dimensions de l’existence. En effet, les individus « ont une interprétation qui leur est propre de l’expérience des difficultés de santé mentale à laquelle elles cherchent à donner sens. Abus, violence, pertes et conditions de vie difficiles sont des exemples d’éléments d’explication qu’elles apportent...» (Perron, 2005, p. 168) Il existe donc une certaine tension entre l’émergence et la répression de la subjectivité au sein des pratiques psychiatriques modernes; la subjectivité se trouve interpelée, mais afin d’en extraire les éléments de preuve suffisants à l’établissement d’un diagnostic. D’ailleurs, Gori et Del Volgo (2009) soutiennent que le savoir émique du sujet sur lui-même se voit systémiquement dévalué : « Ce geste épistémologique qui tend à séparer la connaissance intime de la vie de la rationalité des processus biologiques qui la matérialisent s’est accompli historiquement mais se répètent sans cesse structurellement dans l’acte médical. » (p. 93) Dès lors, il apparait que le discours « de » la folie, la subjectivité du fou rendu « malade », ne puissent être que l’expression même de sa maladie, sa forme discursive pourrait-on dire. Le savoir qui s’en dégage, sensible, expérientiel, se situe donc à l’extérieur du pouvoir, du bien, de la raison. Mais plutôt que d’être complètement étouffé, il se voit régulé et contrôlé, à des fins utilitaires, incorporé au fonctionnement du système. Ainsi, la perspective réelle de l’utilisateur des services demeure la plus souvent absente de l’organisation et l’évaluation des soins (Rodriguez et al., 2006). Nous postulons par conséquent que le discours du malade, sa subjectivité, son expérience, se verront certes accordés certains espaces désignés pour s’exprimer, ils seront donc « interpelés », mais ils ne seront entendus ou pris en compte que dans la mesure où ils confirment et perpétuent les relations de pouvoir en place. Notre recherche fut développée en filigrane de cette « absence », de cette nouvelle forme de silence qu’il convient de « dé-couvrir », de rendre audible. En prenant part à l’expérience vécue de l’individu alors qu’il « utilise » les services de santé mentale, nous espérons dégager des contraintes organisationnelles de son discours subjectif et incorporer son savoir à l’organisation du système de soins. Les pratiques institutionnelles et systémiques seront donc interrogées à travers l’expérience de l’usager, dans un effort de mettre en lumière les relations de pouvoir sous-jacentes qui la module.

NON PRESENTE AU CONGRES DE LILLE

Mots clés :

Santé mentale, Usager, Savoirs

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