La critique sociale

Année : 2013

Thème : Pour une théorie critique dans le social Ou comment penser l’unité de la société ou le problème de l’intégration sociale, non pas de façon positive, mais de façon significative, de manière à renouer avec une perspective politique qui viserait à s’élever au-dessus des pratiques sociales ordinaires?

Type : Autre

Auteur(s) :

ERNST Patrick (Suisse) – patrickernst@bluewin.ch

Résumé :

L’accélération de la crise sociale actuelle a pour effet de mettre au jour, ou à nu, des soubassements de la socialité qui ne furent jamais encore exhibés au coeur même de la vie sociale. Les interrogations que soulève cette nouvelle réalité posent à tout le moins la nécessité d’un autre savoir sur la société que celui qu’amassent les sciences sociales positives. Pendant longtemps, les concepts mêmes par lesquels ou grâce auxquels la société moderne a tenté de se comprendre à travers cette épreuve négative du social dont elle faisait autrefois l’expérience sont restés dans le giron de la philosophie et des sciences humaines. Nombreux sont alors les concepts qui ont nourri une compréhension critique de l’évolution sociale pathologique de la société moderne: «aliénation», «anomie», «lutte des classes», «désenchantement du monde», «division du travail», «idéologie», etc., formaient autant d’outils critiques qui possédaient activement un caractère politique; ils permettaient de penser l’unité de la société ou le problème de l’intégration, non pas de façon positive comme aujourd’hui, mais de façon significative, dans une perspective politique qui visait à s’élever au-dessus des pratiques sociales ordinaires, aussi dégradées soient-elles.
Aujourd’hui, il est bien difficile de trouver un système culturel, ou un système politico-institutionnel pour assumer l’intégration et la régulation des pratiques sociales de manière aussi unifiée. Il subsiste bien plutôt le sentiment que l’unité et l’identité de la société deviennent un pur et simple environnement social constitué d’interajustements empiriques, dont le fonctionnement repose sur le fait qu’il n’est plus nécessaire d’interroger le pourquoi des choses, parce que les choses énoncent leur vérité par leur simple présence. Du même coup, les sciences sociales sont devenues directement fonctionnelles et opérationnelles et ne s’embarrassent plus de théorie, ni de généralisation, ce qui conduit à l’abandon de toute distance critique et au renoncement de toute visée idéale.
C’est bien dans l’horizon de ce chancèlement épistémologique qu’il s’agirait de reprendre la critique sociale pour dire dans le prolongement des réflexions de Franck Fischbach en philosophie sociale «que quelque chose ne va pas, que quelque chose cloche dans nos rapports sociaux, que, dans notre vie sociale, les choses ne vont effectivement pas comme elles devraient aller». C’est la même démarche qui anime également la sociologie de Michel Freitag dont la méthode de penser le social rompt avec l’épistémologie positiviste qui l’appréhende comme une réalité positive, autrement dit comme une «chose» dont l’intelligibilité ne pourrait être extraite que par la «rationalité scientifique» du théoricien. Il s’agirait pour lui de transmettre quelque chose de cette nouvelle épreuve sociale - que les travailleurs sociaux sont devenus nombreux à reconnaître - sans abandonner «toute réflexion propre sur la nature de la vie sociale et sur le sens du changement social, et donc aussi sur le sens de l’histoire et sur les valeurs et les fins de la vie collective».

Mots clés :

Épistémologie, Activation sociale, Intelligence collective, Théorie

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