Comment contribuer à une transformation des pratiques des intervenants sociaux auprès des personnes qui entendent des voix qui sont dérangeantes ?
Année : 2013
Thème : Un nouveau paradigme guide dorénavant les pratiques dans le domaine de l’intervention auprès des personnes qui entendent des voix dérangeantes. Ce nouveau paradigme appelle les travailleuses et travailleurs sociaux à changer leur pratique pour être davantage proactifs à offrir leur soutien aux personnes qui entendent des voix et à les accueillir dans cette expérience.
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
ST-ONGE Myreille (Canada) – Myreille.St-Onge@svs.ulaval.ca
Résumé :
« Il y a une ressemblance remarquable entre la façon que les dieux parlent dans l’Iliade [de Homère] et l’expérience que plusieurs d’entre nous ont d’entendre des voix. Elles conversent, menacent, jurent, critiquent, consultent, réconfortent, [se moquent], commandent, prédisent. Elles crient, gémissent et ricanent. Elles peuvent venir de nulle part, d’un simple chuchotement à un hurlement. Parfois elles [parlent] vraiment lentement ou de façon rythmique. Dans l’Iliade, on obéissait toujours aux voix [des dieux]. De la même manière, plusieurs d’entre nous obéissent à leurs voix […] » (Patsy Hage, 1993, p. 196).
Depuis maintenant près de cinq ans, j’ai introduit dans le cadre des cours que j’enseigne au 1er et au 2ième cycles dans le champ de la santé mentale, des activités liées aux interventions novatrices dans le domaine social destinées aux personnes qui entendent des voix qui sont dérangeantes. Ces pratiques novatrices émanent des travaux pionniers réalisés auprès de personnes d’âge adulte entendant des voix, principalement aux Pays-Bas et en Angleterre (Birchwood et Chadwick, 1997, Birchwood et al, 2000, Chadwick, Birchwood et Trower, 2003, Romme et Escher, 1989, Romme et al, 1992) et auprès d’enfants et d’adolescents qui entendent des voix (Escher et Romme, 2010a, 2010b). L’équipe de Romme a été l’une des premières à comparer l’expérience de personnes entendant des voix ayant un diagnostic psychiatrique avec des personnes n’ayant pas un tel diagnostic. Ces chercheurs ont fait ressortir des différences importantes entre ces deux groupes de personnes sur le plan de la participation sociale et du contrôle qu’elles ont sur leurs voix. Ainsi les personnes n’ayant pas de diagnostic étaient plus scolarisées, plus souvent mariées, parlaient plus ouvertement de leurs voix à leur entourage. Elles n’étaient pas effrayées par leur voix et se ne sentaient pas du tout contrôlées par elles (Honig, Romme, Ensink et al, 1998, dans St-Onge, Provencher et Ouellet, 2005). En étudiant plus en profondeur les stratégies que déploient ces personnes pour composer avec leurs voix, Romme et son équipe ont contribué au développement d’une intervention axée sur l’engagement et l’acceptation des voix et l’importance d’y trouver un sens (Romme et al, 1992, Romme et Escher, 1993, 2000). Il faut noter l’influence très importante du savoir expérientiel de personnes directement concernées par le phénomène des voix sur le développement de ces pratiques novatrices auprès de personnes d’âge adulte (Baker, 2000, Coleman & Smith, 1997, Deegan, 1995, Downs, 2001, 2005) et auprès d’enfants et d’adolescents (Waddingham, 2010). Un vaste réseau d’entraide a été créé dans la foulée de ses travaux et de ces expériences (Hearing Voices Network, Intervoice).
Le matériel du cours est basé également sur une pratique de groupe novatrice que nous avons mise sur pied dans un groupe communautaire de la région de Québec en 2007 et que nous avons évaluée à l’aide d’un devis mixte qualitatif et quantitatif (Lepage, 2009, Ngo Nkouth, St-Onge, Lepage et al, 2009, St-Onge, Lepage, Soucy et Savard, 2008). Des facteurs thérapeutiques de l’intervention de groupe sont ressortis de l’analyse de ces recherches évaluatives : la discussion de sujets tabous, l’universalisation de l’expérience, le sentiment d’appartenance, la formation, la révélation de soi, l’instillation de l’espoir et enfin la déstigmatisation (Ngo Nkouth, St-0nge & Lepage, 2010). Le développement d’autres groupes de soutien est en cours au Québec par l’intermédiaire de travaux que nous réalisons dans le cadre d’une Alliance internationale de recherches Universités-Communautés « Santé mentale et citoyenneté » (ARUCI-SMC).
La communication proposée sera donc axée sur les nouvelles modalités d’intervention dans le domaine social auprès des personnes qui entendent des voix à la lumière des expériences, des recherches et du développement de pratiques novatrices dans le domaine social.
Mots clés :
Santé mentale, Traitement social, Savoirs
← Retour à la liste des articles