Donner sens à ses émotions dans une relation professionnelle :
Construction des savoirs et enjeux pour l’intervention sociale.
Année : 2013
Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
UDRESSY Olivier (Suisse) – olivier.udressy@eesp.ch
GOLAY Dominique (Suisse) – dominique.golay@eesp.ch
Résumé :
Que ce soit dans le champ professionnel ou dans les écoles de formation en travail social, la professionnalité des travailleurs sociaux s’évalue, entre autres, par la capacité que ces derniers démontrent dans la gestion de leurs émotions. Ce travail émotionnel (Hochschild, 2002) n’est pas le résultat, en l’occurrence ce qui se laisse observer, mais la tentative d’exprimer l’émotion adéquate dans un contexte spécifique. Dans cette perspective, la gestion des émotions fait l’objet d’un apprentissage et peut être considéré comme une compétence professionnelle en situation. Ainsi, l’adoption d’un comportement et d’une attitude en concordance avec ce qui est ressenti (une bienveillance envers les usagers et usagères, un sourire d’accueil, etc.) ne relève pas d’une qualité individuelle mais d’une compétence à acquérir. Cet aspect est notamment manifeste à travers ce que les travailleurs sociaux expriment souvent, à leur manière, en craignant de se trouver en situation d’aide et de ne pas savoir, ni pouvoir « gérer » leurs émotions. Ils évoquent alors la crainte d’être submergés et de ne plus pouvoir jouer leur rôle. Cette peur montre que la gestion des émotions ne va pas de soi et fait l’objet d’un apprentissage, souvent apparenté à la recherche « de la bonne distance », parfois comprise comme une « mise à distance » des affects ou à leur « domestication » en situation.
Si l’apprentissage d’une maîtrise des émotions démontre de sa professionnalité en tant que travailleur social, être à l’écoute de ses émotions, en particulier dans la relation d’aide, est lui plutôt perçu comme périlleux car il soumet les individus à des risques potentiellement dommageables aux autres et à eux-mêmes (dévoilement de soi, manipulation, manque d’objectivité). Autrement dit, gérer ses émotions, pour un ou une professionnelle, revient souvent à les taire. Ce paradoxe lié à l’intervention sociale semble trouver son corollaire dans la rareté des recherches scientifiques traitant de la dimension émotionnelle dans la relation d’aide.
Pourtant, l’acquisition de ces qualifications sociales et émotionnelles passent par une intériorisation de savoirs, de normes et de valeurs reconnues à l’interne, c’est-à-dire par le corps des professionnel·le·s. Pour Boujut (2005), la part émotionnelle fait partie intégrante des pratiques professionnelles de la relation d’aide dans la mesure où elle constitue un indice de compétence. Dès lors, on ne peut laisser dans l’ombre ce qui paraît aussi central dans le positionnement professionnel ; ceci d’autant plus que les émotions peuvent être à l’origine d’un traitement différencié des usagers et usagères susceptible de produire des inégalités (Herz, Martin et Valli, 2004).
A partir d’une recherche-action menée en collaboration avec une équipe de professionnel-le-s travaillant dans le secteur de la transition école-métier (Udressy, 2012), nous voulons souligner, dans cette communication, l’intérêt que la prise en compte des émotions et du ressenti des travailleurs sociaux peut apporter dans la compréhension des situations sociales, ainsi que dans le choix des objectifs et des mesures prises pour accompagner les jeunes inscrits dans un programme d’insertion professionnelle. Plus particulièrement, nous documenterons, à travers la mobilisation du concept de résonance développé par Elkaïm (1989), comment un outil issu de l’approche systémique permet d’articuler des apports et des savoirs relevant tout à la fois de la recherche, de l’expertise professionnelle et des expériences de vie des acteurs impliqués.
Mots clés :
Recherche-action, Savoir être, Professionnalisation, relation d'aide
émotion
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