Le défi de l’interdisciplinarité dans l’acte de formation en travail social

Année : 2013

Thème : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Auteur(s) :

MELAN Sandrine (France) – smelan@irtsnpdc.fr
DELHAYE Pascaline (France) – pdelhaye@irtshdf.fr

Résumé :

Former à l’intervention sociale ne peut se concevoir détaché d’une certaine vision de l’intervention sociale elle-même.
Si l’on considère que l’objet du travail social porte sur les situations sociales de vulnérabilité, force est de constater qu’aucune discipline ne suffit à les appréhender ; Barreyre n’évoque-t-il pas d’ailleurs à cette occasion des « disciplines indisciplinées » (Barreyre, 2011) ? D’ailleurs, le travail social s'admet comme ne pouvant faire l’économie d’une réflexion transdisciplinaire (Karz, 2004) au vu de la complexité (Morin, 1990), seule forme de pensée permettant de saisir l’essence même des dites situations.
Aussi la formation des travailleurs sociaux tient-elle compte de cette prérogative. Les apports de connaissances et de méthodes s’alimentent ainsi, très classiquement, de la sociologie, de la psychologie, de l’économie, de la pédagogie, de la philosophie, etc. Ils sont le plus souvent présentés dans des actes de formation faisant suite les uns aux autres. Plus rarement sont-ils réunis sur une même scène ! C’est pourtant le défi que doivent relever les étudiants, et aussi les professionnels : construire une réflexion nourrie de ces différentes sources.
C’est, entre autres, l’enjeu en ce qui concerne l’étude de situation (DC2-1, selon le décret de 2007) pour les éducateurs spécialisés en formation. Cette épreuve consiste en une analyse de situation professionnelle après identification et synthèse des données et afin d’élaborer des propositions d’actions. Pour mener à bien l’analyse, l’étudiant doit s’appuyer sur son expérience professionnelle mais aussi sur des connaissances théoriques issues des différentes disciplines qu’il est censé croiser.
Afin de soutenir l’étudiant dans cet effort de croisement des apports disciplinaires, notre équipe pédagogique a fait le choix de réunir différents formateurs disciplinaires autour d’une seule et même séquence de formation. Chacun apporte l’analyse émanant de sa discipline propre. Bien entendu, le vocabulaire, les référentiels de connaissances et la fonction sociale propres à chacune sont identifiables. L’objectif ne vise nullement le consensus ou la fusion en un discours commun qui dénaturerait le contenu même de ces sources.
L’intérêt est de mettre au travail, avec les étudiants, cet intriguant « croisement » des disciplines, quitte à assumer la confrontation, voire la contradiction des points de vue qui s’énoncent. Quoiqu’il en soit, ce qui en ressort, c’est l’idée d’une pensée en construction, qui s’enrichit en devenant complexe, alimentant même l’envie d’interroger encore d’autres points de vue.
L’exercice n’est pas simple (ni pour les étudiants, ni pour les formateurs d’ailleurs !), d’autant plus que la plupart des études de situation présentées en certification sont axées sur l’une ou l’autre discipline (étude clinique faisant appel à la psychologie, ou extrait d’un texte de Bourdieu lié à la sociologie).
Mais l’exercice de style s’apparente à l’effort que nécessite l’interdisciplinarité. Nous ne sommes plus dans la pluridisciplinarité selon laquelle les points de vue se juxtaposent, et pas encore dans la transdisciplinarité qui permettrait l’émergence de l’unité dans la diversité. L’interdisciplinarité articule les savoirs. Chaque discipline occupe successivement la position du questionneur et du répondant, en visant la complémentarité et la circulation des savoirs (Foucart, 2012). La tension qui peut être générée par la confrontation des savoirs attise, selon nous, la réflexion et développe le sens critique. Cette collaboration est, selon nous, l’un des moyens d’accéder à une position « méta », indispensable aux travailleurs sociaux.
C’est le choix pédagogique que nous avons choisi, un pari, un défi !

Mots clés :

Savoirs, Formation, Intervention sociale et travail social, interdisciplinarité

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