Le savoir des usagers : approche clinique et volonté institutionnelle
Année : 2013
Thème : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...
Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...
Auteur(s) :
DELHAYE Pascaline (France) – pdelhaye@irtshdf.fr
Résumé :
Si le savoir est classiquement perçu comme étant le propre des professionnels, nous proposerons ici d’envisager le savoir du côté des usagers.
Dans le domaine de la protection de l’enfance, notamment en Maison d’Enfants à Caractère Social, l’enfant est l’enjeu de tous les savoirs. C’est autour de lui que gravitent voire se confrontent le savoir des professionnels et celui de la famille. La mesure de placement est le plus souvent vécue par les parents comme une remise en question, voire une disqualification des compétences parentales. Quelque part, c’est leur savoir de parent qui est remis en cause. La séparation, dans les faits, vient attester ce message social pour l’enfant.
Le professionnel apparaît alors, aux yeux des parents, comme celui qui « sait », de par sa formation, son expérience et la mission qui lui est conférée. Dans la relation intersubjective, l’usager-parent projette sur le professionnel un savoir supposé, aussi bien en termes d’expériences parentales qu’en tant que représentation symbolique.
L’enfant, lui-même, n’est pas sans savoir sur sa réalité familiale. Mais comment l’accompagnement de l’enfant va-t-il permettre aux acteurs de la famille de se saisir de ce réaménagement de ces savoirs ?
Le piège qui se tend serait alors un clivage entre, d’un côté, une famille destituée en termes de reconnaissance de compétences, et de l’autre, une maison d’enfants à caractère social qui est censée savoir faire, figeant les places de chacun, l’enfant se retrouvant situé entre ces deux pôles.
Dans cette vision, la famille serait réduite à un état de besoin nécessitant une prise en charge complétive, au risque de réduire les velléités d’autonomie (dans le sens d’autodétermination qui sont pourtant les objectifs annoncés), au risque de réifier ce qu’il en est du sujet.
Dans l’accompagnement proposé, il y a lieu de rendre dynamique ces éléments, ce qui ne pourra se travailler que dans le cadre d’une relation de qualité, baignée par les enjeux transféro-contre-transférentiels. Car le savoir n’est pas la connaissance ; le savoir nécessite une appropriation qui passe par la subjectivité ; il laisse la place à l’autre, là où la connaissance cherche à combler ce manque à savoir.
Loin de l’idéologie éducative du sachant, le professionnel s’autorise alors à supposer un savoir propre à l’usager. Il s’ouvre ainsi un champ clinique irremplaçable.
Dans un mouvement indispensable de réflexion, d’analyse et de prise de distance, le professionnel est amené à penser et à agir son rôle comme étant celui qui va prendre en compte le savoir des familles, interrogeant les pratiques familiales et amenant les parents et les enfants à développer un savoir d’expérience construit sur une relecture du vécu et de l’expérience qu’ils ont de leur propre fonctionnement familial. L’accompagnement se détermine alors dans une coproduction spécifique et unique, où chacun amène sa contribution propre.
On considère le professionnel ici dans ce qu’il incarne d’un représentant symbolique, inscrit lui-même dans une institution dont le projet associatif écrit la nécessité d’une confiance en l’autre et la reconnaissance des compétences des usagers. Les enjeux de la transmission passent certainement par cet axe. Ce serait une façon d’affirmer que le savoir s’ancre dans cette coproduction où chacun se sent reconnu comme étant porteur d’un savoir propre.
Comment intégrer concrètement ces dimensions dans l’accompagnement ? Notre propos sera illustré par des exemples issus de la pratique professionnelle d’une équipe pluridisciplinaire.
Mots clés :
Savoirs, Usager, Institution
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