MAES Renaud (Belgique) – rmaes@ulb.ac.be
BRUYERE Jerome (Belgique) – bruyere.je@gmail.com
LINDEN Laetitia (Belgique) – llinden@ulb.ac.be

La Valorisation des Acquis de l’Expérience (VAE) telle qu’elle se pratique dans les universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles (anciennement la Communauté française de Belgique) permet à des personnes ne disposant d’aucun diplôme antérieur mais d’une expérience importante dans un domaine de reprendre un programme d’études adapté à son profil. En particulier, la VAE (au sens « belge francophone ») permet une admission directe en master (diplôme de second cycle universitaire).
A l’Université libre de Bruxelles, université « complète » et seconde université de Belgique francophone par sa taille, le dispositif de VAE s’est développé depuis 2008 en partenariat avec l’organisme régional en charge des politiques de l’emploi, ACTIRIS. Le but de ce partenariat est de permettre à des travailleurs inscrits comme demandeurs d’emploi ne disposant pas d’un diplôme mais bien d’une expérience personnelle et professionnelle importante, de reprendre des études afin d’obtenir de la sorte une qualification et, potentiellement, de retrouver plus facilement un emploi. Tout au long de la procédure de VAE, les candidats intéressés sont accompagnés par des conseillers.
Cet accompagnement est un processus normatif, puisqu’il s’agit de pousser les candidats à remplir des formulaires administratifs et à constituer un portfolio de manière à obtenir l’admission aux études. Cependant, au fur des cinq années d’existence du dispositif, l’accompagnement s’est progressivement transformé en « coaching » individuel. Les conseillers VAE ont ainsi été amenés à aller bien au-delà de simples « consignes » visant à aider le candidat à se conformer aux attentes des jurys et de l’administration : ils aident les candidats à comprendre les usages académiques, à décoder le jargon universitaire, à s’orienter dans l’offre de services internes… mais aussi à intégrer le projet de reprise d’études dans un projet personnel plus large (notamment, en montrant les implications concrètes de la reprise d’études).
Dans cette communication, nous analysons l’évolution du dispositif de 2008 à 2013 sur base d’un corpus de plus d’une centaine de témoignages qui ont été recueillis chaque année auprès de panels de candidats et d’anciens candidats. Nous montrons tout d’abord que l’arrivée de ces « outsiders » au sein du système universitaire contribue à en révéler l’inadaptation pour les publics d’adultes en reprise d’études et d’étudiants travailleurs. En faisant un relevé des différents obstacles qui se posent aux candidats VAE après leur admission, nous mettons en évidence les contradictions intrinsèques des politiques d’éducation tout au long de la vie de l’institution universitaire. Nous l’expliquons sur base d’un tableau idéal-typique des modèles universitaires.
Dans un second temps, nous montrons que l’accompagnement a évolué en intégrant la nécessité perçue par les conseillers d’avertir les candidats en cours de procédure VAE des potentiels écueils après leur admission. Ce faisant, les conseillers ont progressivement été amenés à « dévoiler » la violence symbolique intrinsèque au fonctionnement de l’université. Nous discutons de l’effet de ce dévoilement sur les représentations et les motivations des candidats à la reprise d’études.
Pour conclure, nous esquissons un ré-examen du dispositif VAE à l’aune de l’évolution de l’articulation des politiques éducatives et des politiques de l’emploi. Nous interrogeons la durabilité du dispositif ainsi que ses possibles transformations, qui seront révélatrices du rôle futur de l'université dans les reconfigurations de l’ordre social.

VAE, Education tout au long de la vie, Insertion