DIERCKX Carine (Belgique) – dierckx.carine@gmail.com

La nécessaire « réflexivité des pratiques » est invoquée aujourd’hui dans de nombreux discours à propos du travail social, en lien souvent avec la définition même du professionnalisme. Elle est revendiquée par les professionnels (notamment face aux dérives de la standardisation et de la bureaucratisation des pratiques), par les formateurs, elle se retrouve dans les référentiels de compétence, fait partie du lexique de certains Ordres professionnels (comme au Québec), elle est aussi au cœur des discours et modèles pédagogiques les plus en vogue, ou encore dans les discours managériaux. Enfin, elle est conceptualisée dans diverses disciplines au sein des sciences humaines.
Dans cette communication, qui s’inscrit dans un travail de thèse de doctorat en Philosophie Pratique, je propose d’interroger cette notion et ses usages, d’en clarifier la pluralité de sens, d’en analyser et d’en évaluer la pertinence, et de réfléchir aux conditions et enjeux philosophiques et éthiques qu’une telle notion implique pour penser le travail social aujourd’hui, et les rapports au savoir qui s’y jouent.
Après une introduction qui évoquera, par quelques exemples, les ambivalences de la notion et de ses usages aujourd’hui, je me centrerai prioritairement dans mon exposé sur les usages du concept de « réflexivité », de « pratique réflexive » ou de « praticien réflexif » au sein de différentes disciplines (sciences de l’éducation, sociologie, philosophie), en général et dans le domaine du travail social. Mon analyse portera notamment sur l’approche incontournable de Schön et de ses discutants actuels, sur celles de Giddens, de Boltanski, ou encore de Maesschalck. Sur base d’une typologie et d’une grille d’analyse de ces usages, je proposerai une première mise en perspective et discussion de la portée et des limites, de la pertinence et des avantages possibles de cette notion. La thèse que je cherche à valider est que ce concept est à « prendre au sérieux » mais demande à être clarifié et approfondi, face aux limites de certaines conceptualisations, à l’inflation de ses usages aujourd’hui et aux confusions voire aux pertes de sens qui le guettent.
Quels sont les présupposés dans les usages qui sont fait de la notion ? S’agit-il d’un concept normatif ou descriptif, ou encore analytique ? A quoi réfère-t-il ? Parle-t-on de réflexivité des pratiques ou des acteurs ? Sur quoi porte la réflexivité ? Quelles articulations sont envisagées entre réflexivité et rationalité(s) ? Quelle forme prend –elle, comment se travaille-t-elle ? Qu’implique-t-elle ? Comment prend-elle en considération les rapports à soi, aux autres, au monde ? Les rapports au « sens » de l’action ? Les rapports aux savoirs, aux finalités de l’action, aux normes, aux institutions ? Parle-t-on de réflexivité individuelle, collective, institutionnelle ? A quelles conditions peut-elle être porteuse de sens dans le domaine du travail social contemporain ? De quelle façon engage-telle la relation au destinataire de l’aide ? Quels sont les enjeux qui la sous-tendent ? Etc. Telles seront les questions qui sous-tendront l’analyse. Dans cet exposé je ciblerai plus spécifiquement celles qui concernent les rapports aux savoirs et à la professionnalité.
Je dégagerai quelques jalons philosophiques pour penser ces questions. Et je conclurai par un questionnement de ma propre démarche comme « pratique réflexive » : comment penser la posture du philosophe et sa relation aux acteurs du social dans le traitement d'une telle question ? En quoi peut consister la contribution (et ses limites) d’un point de vue philosophique à la réflexivité des pratiques et des acteurs aujourd’hui dans le travail social ?

Quête du sens, Savoirs, Éthique et déontologie, réflexivité pratique réflexive