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ENRICO Vincent (France) – ENRICO.vincent@orange.fr

En tant que chargé d'études au Prefass Limousin, j'ai mené une étude pour la DRJSCS qui a consisté à recenser les producteurs et les productions d'observation sociale dans la région. La DRJSCS s’interrogeait sur le pilotage possible de cet ensemble de travaux au sein de l'observatoire social régional. L'étude a mis en évidence une grande variété dans les types de productions et de producteurs : services de l'Etat, collectivités territoriales, structures de protection sociale ou associations. Un tri a été effectué, partant du principe que n'importe quelle information concernant le champ sanitaire et social ne relève pas de l'observation sociale. Néanmoins, les observatoires patentés ne sont pas les seuls légitimes pour publier des données d'observation sociale car, si on considère qu'une production de savoir est légitime à partir d'un certain niveau de cadrage méthodologique, les enquêtes statistiques, les diagnostics, recensements, et études de données issues de l'activité, produites de manière contrainte ou délibérée par un organisme quelle que soit sa nature, représentent des savoirs légitimes (dans la mesure où l'on se questionne au sujet de la fiabilité, la pertinence et la diffusion de ces données).

En tant que formateur, j'ai été amené à présenter ce travail à des étudiants éducateurs (ES et EJE). Les étudiants se forment pour devenir des professionnels ayant une capacité à participer au pilotage de l'activité à partir de données dont la production peut s'avérer obligatoire (cas des Analyses des Besoins Sociaux dans les CCAS) ou liée à du travail en partenariat ou en réponse à des demandes externes. Les acteurs de terrain sont confrontés à cette nécessité de prendre en charge la publication de données qui représentent parfois un enjeu tel (notamment politique) que certaines institutions limitent leur diffusion.

Dans ce contexte, comment donner du sens à l'ensemble des données existantes, en Limousin, territoire où l'action sociale est bien développée mais s'inscrit sur des territoires très variés en terme de densité, de types de populations et donc de besoins. Dans une région de petite taille, les institutions locales manquent de ressources matérielles pour réaliser un travail d'observation sociale, qui se limite alors à l'activité d'un professionnel, au mieux. Face à ces difficultés, le recensement des producteurs de données en Limousin a montré que les étudiants en travail social ou dans certaines formations universitaire deviennent parfois les producteurs de données de ces structures au cours de stages de différentes natures (individuels, collectifs, longs, courts). Au-delà de la transmission des savoirs, les étudiants peuvent aussi être des producteurs de savoirs.

C'est pourquoi cette problématique a fait l'objet d'une intervention pédagogique destinée à sensibiliser les étudiants à l'observation sociale, ses méthodes et ses difficultés. L'enjeu est de leur faciliter le travail de recherche personnelle d'informations pertinentes dans le cadre de leur mémoire de fin d'études mais aussi en contexte professionnel. L'intervention avait pour objectif de sensibiliser les étudiants :
- aux limites des approches statistiques (Desrosières, Agulhon) et à la construction de la « pensée » de l'institution (Douglas) à partir d'un regard critique sur les données disponibles recensées dans l'étude citée plus haut. Cette réflexion à conduit à s'interroger sur les catégories sociales et « la construction sociale de la réalité » (Hacking, Masson).
- à l'utilisation de données qualitatives (recherche-action) et quantitatives (données chiffrées) pour la recherche et le pilotage des politiques publiques. Un lien a alors été établi avec leur mémoire professionnel : comment produire des données d'observation sociale ?

Cette intervention a pour ambition de préciser les enjeux d'une formation des étudiants aux méthodes de recueil de données et d'analyse dans une perspective épistémologique axée sur la pratique et la recherche.

Savoirs, Formation, Épistémologie