La dimension du genre dans la transmission de savoir au sein des formations en travail social, une valeur à construire.
Quel impact sur les pratiques ?
Année : 2013
Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
WATOR Monika (France) – Monika.Wator@univ-bpclermont.fr
Résumé :
Le concept de genre est présent dans le champ de la recherche scientifique depuis une trentaine d’années. A la différence du concept de sexe, qui indique les différences biologiques entre hommes et femmes, le genre pointe la construction sociale du féminin et du masculin. Elaboré par Ann Oakley en 1972 sous l’appellation anglo-saxonne de gender, il deviendra une catégorie d’analyse dès les années 1980. Dans le même temps, le courant français illustré par Danièle Kergoat préfère à la francisation de l’anglais le concept de « rapports sociaux de sexe ». Issu de la tradition marxiste, ce dernier met l’accent sur les dimensions antagonistes et contradictoires qui structurent les rapports de force au sein de la société. Bien qu’étant d’origines différentes et ayant des particularités propres, les deux concepts permettent de sortir de la naturalisation du masculin et du féminin et de dépasser une vision binaire du monde reposant sur la complémentarité naturelle des deux sexes. En effet, les rapports sociaux de sexe ne relèvent pas de la nature mais d’une histoire sociopolitique, ils peuvent se transformer, en fonction à la fois des évolutions des structures sociales et de l’action collective. Pour Kergoat, c’est la division du travail entre les sexes qui serait à l’origine des rapports de domination (Kergoat 2000).
Alors que le champ du travail social lui-même est particulièrement traversé par la division sexuelle du travail * — d’autant plus que le travail social est fortement lié à la notion de care, elle aussi fortement sexuée et associée aux compétences acquises dans le sphère privée —, il semble résister à prendre en compte cette dimension, tant dans la construction des politiques (Gautier et Heinen 1993) et dans l’approche des usagers que dans les contenus des formations. En effet, la dimension de genre est absente des dispositifs de formation et, si une sensibilisation à la dimension sexuée des pratiques peut avoir lieu dans certains établissements, loin d’être institutionnalisée, elle découle de l’initiative individuelle du (ou de la) formateur(trice). Les pratiques quant à elles, quel que soit le champ d’intervention, restent fortement sexuées, comme le montrent de nombreuses études** . Ce n’est que très récemment que quelques publications dans l’espace francophone — pour la plupart émanant de chercheur(e)s et/ou formateur(trice)s belges, suisses ou québécois(es) — apportent une analyse critique d’une approche neutraliste et préconisent la transmission de la perspective de genre aux futur(e)s professionnel(le)s (Bouquet 2007, Ventelou 2007, Rousseil 2007, Pallazo-Crettol 2009, Cohen 2009, Fusulier 2009, Bayer et Olivier 2010, Keller 2010).
La présence d’analyses sous le prisme du genre aurait l’avantage de permettre aux travailleur(euse)s sociaux(ales) un nécessaire retour sur eux(elles)-mêmes en tant que sujets socialisés de manière sexuée et sur leurs pratiques genrées face à des individus eux aussi aux prises avec le système de domination masculine (Bourdieu 2002). D’autant plus que certaines théories enseignées issues des courants psychanalytiques, surtout si elles ne sont pas remises dans le contexte de leur production, entérinent souvent une perception binaire de la société où la femme serait fortement associée à l’enfant*** .
Cette recherche en cours, qui part de la construction des dispositifs de formation, en particulier de celui d’éducateur(trice) spécialisé(e), interroge l’impact de la sensibilisation à la dimension du genre au cours de la formation — ou son absence — sur les pratiques professionnelles.
Mots clés :
Genre, Formation, Transfert des connaissances, Pratique
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