Les formateurs en travail social : un groupe professionnel menacé ?
Année : 2014
Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
VERRON Christophe (France) – ch.verron@gmail.com
Résumé :
Apparus au fil des années 1920 à 1940 avec la professionnalisation du travail social et l’invention de nouveaux métiers (Assistants de Service social, Éducateurs spécialisés, Éducateurs de Jeunes Enfants…), les premiers instructeurs étaient tous issues du métier pour lequel ils formaient et sur lequel ils appuyaient leur identité. D'abord pensée comme une activité temporaire nécessitant de retourner régulièrement à la source du terrain pour légitimer son savoir, l’instructeur a progressivement professionnalisé son activité. La création de lieux d’élaboration collective au sein des organisations professionnelles (comités d’entente des écoles, syndicats…) a favorisé la construction d’un cadre d’exercice (réglementation de l’activité, convention collective, formation ad hoc). A la suite, en s’autonomisant partiellement de son terrain d’origine, à la fin des années 60, l’instructeur est devenu formateur en travail social.
En maintenant ainsi des liens étroits entre secteur professionnel et établissements de formation, le champ social avait construit progressivement un monopole sur le marché des formations. À partir des années 1970, l’élargissement de son périmètre d’action aux formations de niveau V au niveau I l’a toutefois fait entrer de plain-pied dans un marché hautement concurrentiel. Les organismes de formation professionnelle, l’Éducation nationale et l’université se sont également positionnés sur ce marché.
Le formateur en travail social pouvait se prévaloir jusque-là d’une identité forte reposant sur une appartenance au travail social, des valeurs communes et des pratiques professionnelles caractérisées par une grande polyvalence. L’éclatement du champ a engendré une multiplication des profils : les « experts » en travail social, profil historique, sont rejoints désormais par des enseignants issus de l’université et des formateurs d’adultes.
Ne pouvant prendre appui sur un collectif tangible, le noyau historique des formateurs en travail social résiste peu aux incursions dans son domaine réservé et subit une évolution de son activité professionnelle : bureaucratisation et dérégulation de l’activité, inégalités grandissantes au sein du groupe sur les conditions de travail, les avantages acquis, les rémunérations…
La perte de repères collectifs génère des stratégies identitaires de rejet ou de passage peu repérables jusqu’alors dans un groupe où la prise de poste comme formateur représentait souvent l’aboutissement d’une carrière. C’est l’organisation même du groupe qui se trouve au cœur de processus de hiérarchisation prenant maintenant appui sur le niveau de diplôme préparé : aux animateurs de formation intervenants au niveau V sont dévolues les activités de face à face et la confrontation aux publics perçus comme les plus en difficultés ; aux ingénieurs de formation tendent à être réservées les activités nobles de conception, d’ingénierie et de recherche.
L’enquête menée par nos soins révèle un groupe professionnel qui, n’ayant pas été en mesure de faire aboutir un processus de professionnalisation initié par les pionniers, risque aujourd’hui de disparaître par absorption dans les groupes professionnels voisins.
Mots clés :
Professionnalisation, Formation, Acteurs
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