Des changements qui ne cessent de ne pas pouvoir se dire !
Année : 2014
Thème : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...
Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...
Auteur(s) :
DE SAINT-JUST Jean-Luc (France) – Jean-Luc.de-SAINT-JUST2@wanadoo.fr
Résumé :
Le constat d’une évolution en cours dans le secteur multiforme du travail social est unanimement partagé. Il est régulièrement décrit et commenté par de nombreux auteurs comme relevant d’une « mutation », d’une « recomposition », voire même d’une « métamorphose ».
Cependant, il n’est peut être pas inutile, au-delà des spéculations sociopolitiques qui l’accompagnent, de poursuivre l’effort d’analyse engagé afin de nous permettre de saisir plus précisément la nature de ce changement. Ne pas aller plus avant dans ce travail d’analyse c’est, en participant au « Sacre du présent » et de l’action immédiate, pour ne pas parler de « passage à l’acte », le plus sur moyen de se rendre aveugle à ce que nous mettons en œuvre dans nos pratiques, ne rien vouloir en savoir.
A écouter d’un peu plus près ce qui est énoncé, il est particulièrement intéressant de se rendre compte que ce qui déstabilise tant les travailleurs sociaux et les formateurs dans cette évolution, ne relève pas tant d’une évolution des problématiques rencontrées, ou des pratiques mises en œuvre, que d’une rupture fondamentale dans le « discours », non par une opération de négation, mais par un processus de renversement ; un envers.
Depuis plus d’un siècle, les travailleurs sociaux ont le plus souvent su s’adapter aux nombreuses évolutions qu’ils ont rencontrées. Ce qui les déstabilise aujourd’hui est manifestement d’un tout autre ordre.
Loin de constituer un changement de paradigme, comme ce secteur en a connu quand ses énoncés sont passés d’une référence à une autre au fil des modèles théoriques, ce « nouveau discours » fait radicalement rupture dans le registre même du discours. Il ne s’oppose pas aux énoncés du discours traditionnel du travail social, bien au contraire, il y colle. En effet, quel travailleur social soutiendrait qu’il est contre la « qualité » ou « les bonnes pratiques », ou encore « la prise en compte de la personne dans sa globalité » ?
Cependant, malgré cette illusion du même, ce discours modifie profondément le dire de ces professionnels. Il transforme leur parole en de purs énoncés qui visent à éluder toute énonciation subjective du discours social, à substituer la dimension de l’Idéal, celui des valeurs de ce secteur, par une « Idéologie acéphale et totalitaire », un impératif de réussite aussi aveugle que violent dans ce qu’il produit. Quand il n’a pas pour effet une fascination, voire une manifeste jubilation, ce discours crée le plus souvent un effet de sidération, figeant les uns et les autres dans une situation où ils ne trouvent plus de prise pour élaborer un positionnement professionnel argumenté.
Pour autant, vouloir aller contre ce « nouveau discours social », c’est ne pas vouloir prendre en considération qu’un discours social ne peut se soutenir sans qu’il participe d’une « économie psychique ». La question qui se pose aux travailleurs sociaux et aux formateurs n’est peut-être pas d’être pour ou contre le discours de leur époque, mais plutôt de pouvoir élaborer une posture opérante qui trouve à s’y articuler.
Peut-être plus que jamais, il semblerait que les traditionnels « groupes d’analyse des pratiques », pour peu qu’ils relèvent d’une vrai clinique subjective, sont en mesure de constituer l’une des modalités essentielles à un travail d’élaboration et de mise en œuvre de ce qui pourrait faire « acte de passage » d’une subjectivité à une autre. Autrement dit, de ce qui pourrait fonder le point d’ancrage d’une pratique sociale qui se tienne.
Même si cela fait déjà quelques années que je travaille sur ces questions, un bon nombre d’articulations que j’ai tenté de formaliser dans cet écrit sont pour moi assez nouvelles et de toutes les façons en constantes interrogations. Aussi, je vous prie de bien vouloir m’excuser pour les quelques approximations encore présentes, mais qui auront par ailleurs la vertu de permettre un débat critique, de m’indiquer, voire de nous indiquer, ce qui est encore à travailler.
Mots clés :
Formation, Savoir-faire, Transfert des connaissances
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