Intervenir en situation d'urgence sociale: les sources de précarité des intervenants sociaux
Année : 2014
Thème : État de santé au travail des intervenants sociaux appelés à intervenir lors d'urgences sociales
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
MALTAIS Danielle (Canada) – danielle_maltais@uqac.ca
Résumé :
Les travailleurs sociaux viennent régulièrement en aide à des personnes victimes de tragédies ou de sinistres. Lorsqu’ils interviennent dans de tels contextes, leur niveau de vulnérabilité est accru puisqu’ils sont confrontés à des personnes traumatisées ou souffrantes qui présentent d’importantes réactions émotionnelles. De plus, ce type d’intervention fait appel à des habiletés et à des modes d’intervention particuliers qui vont souvent à l’encontre des principes qui sont enseignés au cours de leur formation (Maltais, 2005). Des conséquences à la fois négatives et positives peuvent découler de ce type d’intervention. La fatigue de compassion, le stress post-traumatique secondaire et l’épuisement professionnel sont des exemples d’impacts négatifs. D’un autre côté, ils peuvent reconnaître la capacité des êtres humains à guérir ou à se remettre sur pied, de réaffirmer la valeur du processus thérapeutique, et de découvrir le pouvoir de la solidarité d’une communauté. Les études sur les répercussions de l’engagement des intervenants sociaux lors de situations d’urgence demeurent à l’heure actuelle encore peu nombreuses. Plusieurs facteurs semblent expliquer cet état de fait dont celui d'ignorer les conséquences négatives de l’intervention en situation d’urgence sur la santé des intervenants. On mentionne, entre autres, le manque de sensibilisation ou le refus de reconnaître les besoins psychologiques des intervenants (Paton, 1996), la tendance des discours de formation des intervenants à considérer ceux-ci comme des êtres invulnérables (Mitchell & Dyregrov, 1993), et la croyance que la formation et l’expérience des intervenants les immunisent aux stress, aux traumatismes et les imperméabilisent à la souffrance des autres (Dunning, 1990). Dans le but de documenter le vécu des intervenants sociaux appelés à intervenir en situation d’urgence sociale, une étude mixte a été réalisée au cours de l’hiver en 2013 au Québec. 284 intervenants sociaux ont complété un questionnaire auto-administré, 63 ont participé à des groupes focalisés et 51 gestionnaires ont complété une entrevue semi-dirigée. Les résultats révèlent que plusieurs intervenants ont un niveau de stress psychologique extrême ou supérieur à la moyenne de la population dans le cadre de leur travail habituel ou lorsqu’ils ont à intervenir en situation de sinistre. Dans le cadre de leur travail régulier, plus du tiers ont un risque moyen ou élevé de souffrir d’épuisement émotionnel et de perte d’accomplissement. Lors de sinistres ou de tragédies, peu d’intervenants sont à risque élevé ou modéré de vivre de la fatigue de compassion. De plus, 26,8 % des répondants présenteraient un score de détresse psychologique. Les intervenants sociaux et les gestionnaires partagent le même avis quant aux sources de satisfaction (sentiment d’utilité, de gratification, de défi et constat à court terme des effets de leurs interventions, etc.) et d’insatisfaction (manque de formation, de préparation de supervision, de clarté dans les consignes, etc.) liées à l’intervention en situation d’urgence. Ils s’entendent aussi sur les retombées positives (diversification des pratiques, acquisition de nouvelles connaissances, remise en question des valeurs personnelles, relativisation de problèmes personnels, etc.) et négatives (fatigue, niveau de stress élevé, difficultés à faire face à des situations émotionnellement perturbantes, etc.) liées à ce type d’intervention. Les intervenants se considèrent t peu formés à intervenir lors d’urgences sociales et ces derniers considèrent recevoir peu de soutien de leur organisation lorsqu’ils sont dans l’obligation d’intervenir dans de tels contextes. Cette communication sera l’occasion diverses pistes d’intervention éducationnelles et organisationnelles pouvant être mis en place pour mieux les former et les préparer à faire face à leur propre précarité en situation d’urgence sociale.
Mots clés :
Urgence sociale, Intervention sociale et travail social, Catastrophe humaine
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