« Arts de faire » et « ruses » : comment les professionnels réinventent leur pratique ?

Année : 2014

Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

LENZI Catherine (France) – lenzi.catherine@ireis.org
GRAND David (France) – grand.david@ireis.org
FARCY-CALLON Léo (France)

Résumé :

L’Institut Régional et Européen des métiers de l’Intervention Sociale (IREIS), dans le cadre de son laboratoire (l’Espace Scientifique et Praticien en Action Sociale et en Santé, ESPASS) et de son projet scientifique est engagé dans plusieurs programmes de recherche en lien avec les pratiques des intervenants. Nous profitons du 6e congrès de l’AIFRIS pour proposer une communication à partir de deux recherches qui interrogent les façons dont émerge la créativité à partir des savoirs issus de l’expérience, dans des contextes où a priori les intervenants ont un faible pouvoir d’agir.
Le contexte actuel est marqué par différents mouvements dont la conjugaison impacte fortement le travail social. D’une part, côté publics, on constate une montée des difficultés d’ordre économique, social, sanitaire, etc. D’autre part, l’instauration d’un mouvement conséquent d’évaluation des pratiques et des dispositifs depuis la loi de rénovation de l’action sociale de 2002, place les travailleurs sociaux dans des obligations de produire un nombre croissant d’écrits, de justifier leur pratique et de se conformer à un ensemble de normes et de référentiels en vigueur.
Pourtant, en dépit du processus de normalisation et de standardisation des pratiques à l’œuvre, à l’image de l’individu contemporain (Erhenberg, 1995), le travail social demeure également « incertain ». Rejoignant ce qu’à pu déjà dire Robert Castel il y a plus de 20 ans, le travailleur social apparaît « comme un passeur qui s’apercevrait en cours de traversée qu’il n’y a plus de berge où conduire son passager » (Castel, 1998, p.42). Pour autant, même dans un contexte fortement contraint et incertain, les individus conservent des marges de manœuvre (Goffman, 1968), (Levi, 1987), (Marchetti, 2001).
En effet, dans le contexte esquissé précédemment, bien qu’ils subissent de fortes contraintes, nous pensons que les travailleurs sociaux dégagent du pouvoir d’agir et une capacité d’inventivité malgré tout. Toute la difficulté consiste désormais à scruter et à traquer l’invisible, à savoir, les espaces de recomposition des pratiques et les bricolages inventifs du quotidien. Nous traiterons cette dimension dans l’axe 2 du congrès. En référence à Michel de Certeau (de Certeau, 1980) et plus récemment à Hennion, Vidal-Naquet, Guichet et Hénaut (Hennion, Vidal-Naquet, Guichet, Hénaut, 2012), il sera question de proposer une analyse de l’activité (Y. Clot, 2008) des intervenants éducatifs qui agissent auprès de mineurs dits « difficiles », à partir des arts de faire, ruses et tactiques qu’ils mettent en scène dans des contextes contraints. Cet angle d’approche doit nous permettre in fine de mettre en lumière la façon dont, entre cadre prescrit et activité réelle, s’activent et s’inventent au quotidien les ressorts de l’action éducative. Inscrits dans des espaces informels, voire clandestins, nous chercherons à interroger la façon dont ces arts de faire permettent aux intervenants de « tenir » et de « faire au mieux ».
Il sera question de mettre en lumière précisément la façon dont les intervenants éducatifs, sont parfois amenés à « sortir du cadre ». Dans cette construction des arts de faire des intervenants, il n’est pas seulement question pour eux de contourner ou d’ajuster le cadre, mais bien de produire un espace singulier et informel où se noue la relation avec les mineurs. L’un des ressorts d’action pour y parvenir, le plus central, mais aussi le plus invisible, constitue la part sensible de l’acte éducatif (Libois, 2013).
C’est à cet éclairage en dernier ressort que souhaite se consacrer notre communication : quelle part prennent les affects et les ressources émotionnels des intervenants éducatifs dans une situation de pouvoir faible ? Et quelle reconnaissance et expression inventive de ces ressorts d’action et arts de faire est permise par le collectif ? C’est ici la question du « passage du singulier à la dimension collective du vécu émotionnel » (Libois, 2014,p.80) qu’il s’agira de poser.

Mots clés :

Intervention sociale et travail social, Compétence, Recherche-action

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