BELHADJ-ZIANE Kheira (Canada) – kheira.belhadj-ziane@uqo.ca

En Estrie (Québec), depuis 2012 des intervenants sociaux issus de divers milieux institutionnels et communautaires (santé, emploi, social, etc.), expérimentent une pratique d’intervention d’un nouveau genre dans le champ du travail social au Québec, qui consiste à intégrer la médiation culturelle à leur pratique d’intervention sociale, dans le cadre d’un partenariat avec l’association Cultures du cœur. Visant à lutter contre la pauvreté et à favoriser l’inclusion sociale des citoyens les plus démunis, la logique d’action de cette association consiste à fédérer des acteurs d’organismes sociaux et culturels divers autour d’un projet pilote de médiation culturelle dans l’objectif d’en faire un levier d’intervention sociale.

Apparue en France au courant des années 80 et au Québec il y a près d’une décennie, la médiation culturelle fait écho aux successives crises sociale, économique, politique et culturelle qui ont traversé ces sociétés depuis les années 80 (Caune, 1999 ; Lafortune et al., 2012; Fontan et Quintas, 2007). Elle se présente alors comme un moyen de faire face à la déstructuration des liens sociaux, mais aussi comme un moyen de renouer avec les principes de démocratisation et de démocratie culturelles (Caune, 2006). Identifiée comme une stratégie d’action culturelle à vocation sociale, la médiation culturelle mise sur le pouvoir des arts et de la culture dans leur propension à apporter du changement dans la vie sociale des personnes (Jacob et Bélanger, 2014; Lafortune et al., 2012; Caune, 2006; Lamizet, 1999). En ces termes, cette stratégie d’action consiste à « créer des ponts entre l’art, la culture et les citoyens » (Lafortune, 2012 : 21), notamment les plus démunis, dans une perspective horizontale de participation à la vie sociale et culturelle de la collectivité. Il s’agit alors de mettre en œuvre un processus d’accompagnement des citoyens vers des activités ou des projets culturels et artistiques en tant que collaborateurs ou co-créateurs (Fourcade, 2014). Ce processus amène les citoyens à vivre une expérience culturelle souvent inédite, leur permettant de prendre conscience de leur potentiel, de s’exprimer dans l’espace public et de développer des aspirations au changement (Belhadj-ziane, Allaire et Morin, 2014; Jacob et Bélanger, 2014; Lafortune et al., 2012; Quintas, 2014; Fontan et Quintas, 2007). Néanmoins, cette démarche n’est pas sans défis. Une récente étude (Belhadj-ziane et al., 2014), montre que lorsqu’elle est appliquée dans le champ spécifique des pratiques du travail social, la médiation culturelle se présente comme un outil complexe à mettre en œuvre, car elle constitue une manière inédite de penser et de faire de l’intervention sociale. Le processus d’accompagnement constitue la clé de voute de cette complexité. Comment intégrer la médiation culturelle aux pratiques d’intervention sociale? Quels enjeux et défis soulèvent cette pratique? Quelles sont ses retombées pour les personnes usagères et sur les pratiques professionnelles des intervenants sociaux? Nous tenterons d’apporter quelques pistes de réflexion en présentant les résultats d’une recherche évaluative inspirée des principes de l’évaluation réaliste (Pawson et Tilley, 1997), à travers laquelle il s’agissait de mieux comprendre les mécanismes d’implantation du projet pilote de médiation culturelle de Cultures du cœur au sein de divers organismes d’intervention sociale en Estrie. Ainsi, à travers cette communication, il s’agira de décrire les différentes stratégies mises en œuvre par les acteurs afin d’intégrer la médiation culturelle à leur pratique d’intervention, tout en tenant compte de l’influence des différents contextes de mise en œuvre ; puis nous présenterons les principales retombées de cette forme inédite d’intervention sociale au Québec à partir du point de vue des personnes usagères, des intervenants sociaux, ainsi que des acteurs d’organismes sociaux et culturels partenaires du projet de Cultures du cœur.

Intervention sociale et travail social, Question sociale, Projet pilote