L'intervention sociale au risque de la gouvernance sociale !
Année : 2010
Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
LE LOUEREC Pierre (France) – lelouerecpierre@gmail.com
Résumé :
Légitimement préoccupé par l'efficacité et la durabilité de l'action pour faire face aux crises socio-économiques vécues par les populations, le politique a progressivement repris en mains l'intervention sociale considérée comme inopérante et par trop autonome. Or, cette dernière est allée de pair avec les préoccupations gestionnaires de performance, de rentabilité et de pragmatisme de l'action sociale gouvernée sur un mode « marchand-communicationnel ». Une ingénierie du social s'est développée via de multiples dispositifs et partenariats souvent plus juxtaposés que complémentaires. Notre thèse est qu'aujourd'hui l'appel à la « bonne gouvernance » qui suppose le partage concerté des pouvoirs, notamment dans la perspective d'une action efficace, globale et durable, s'appuie sur un discours et des pratiques peu débattues. Celle-ci peut tendre contradictoirement à réduire la portée de l'intervention sociale, dans « l'immédiateté de l'urgence » et une « globalité hétérogène ». De notre point de vue, la gouvernance sociale, qui fait passer d'une certaine manière de la question « d'une technicisation de la compétence à celle d'une technicisation de la place », s'élabore selon une approche oblitérant la dimension anthropologique propre à l'intervention sur le social. L'approche du social est dominée par une conception socio-technique des interventions, comme des collaborations professionnelles, au regard de laquelle la distribution des contributions est idéalisée, figée, et d'emblée a priori consensuelle. Elle vient pour nous à l'encontre de la dimension précisément contractuelle sur la base de laquelle peut opérer avec pertinence l'intervention sociale et socio-éducative. C'est pour nous en partie cette « conception managériale », avec ces injonctions, qui à la fois tend à évacuer le sens de l'action et à faire en sorte que se développent des stratégies alternatives plus ou moins cachées des acteurs concernés. Partant de deux travaux de recherche (réalisés au sein de caisses d'allocations familiales sur la question du « travailler ensemble »), nous développerons notre point de vue par une série de réflexions suivies ultérieurement de propositions susceptibles de venir répondre finalement au double questionnement suivant : Que faire face à une situation plurifactorielle impliquant des personnes, des groupes et des communautés ? Comment travailler avec ces divers acteurs à mieux comprendre la complexité et à trouver des voies de résolution ?
Nous développerons sur la nécessité parfois, et même souvent, de dépasser ou de contourner les entraves à une « réelle collaboration professionnelle », mais également, d'assumer une confrontation voire un contre-pouvoir à la doxa managériale et gestionnaire [les effets de cette « ingénierie » sont insidieux, car sous couvert d'approche dite rationnelle et scientifique, c'est la dimension clinique qui s'évapore et qui progressivement installe nombre de professionnels dans une « servitude volontaire ». Leur autonomie est contrariée alors même que cette dernière est au cœur de l'enjeu politique de la régulation ou de la cohésion sociale attendue], condition de base pour traiter collectivement et durablement les problèmes sociaux.
Nous conclurons par la mise en perspective d'au moins deux voies qui nous semblent utiles d'emprunter :
- Réintroduire de la clinique donc prendre en compte, et d'analyser, les résistances à la prise en charge et/ou au sacro-saint changement organisationnel quitte à réviser son point de vue. Ceci engage et implique les acteurs face à l'hégémonie de la doxa actuelle, ce qui n'est pas simple... car il y a un prix à payer personnellement.
- Réintroduire du tiers en développant une démarche « anthroposociologie réciproque » qui reconnaît l'implication et la légitimité des acteurs dans la réalité sociale qu'ils formulent et se donnent même pour objet d'analyse.
Mots clés :
Contractualisation, Efficacité, Autonomie
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