Pratiques éducatives et de protection de l’enfance : un patrimoine raconté par les Innus d’Uasaht Mak Mani-Utenam
Année : 2015
Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
Guay Christiane (Canada) – christiane.guay@uqo.ca
BELHADJ-ZIANE Kheira (Canada) – kheira_belhadj-ziane@uqac.ca
Résumé :
Au Canada, depuis le milieu du XXe siècle, les peuples autochtones ont été assujettis aux régimes de protection de la jeunesse mis sur pied par chaque province, et pendant des années, de nombreux enfants autochtones ont été retirés de leur communauté pour être placés dans des familles d’accueil non autochtones ou pour être adoptés par celles-ci. Malgré les nombreuses recherches qui ont mis au jour les conséquences néfastes de l’application indifférenciée des systèmes de protection de la jeunesse aux communautés autochtones (citées dans Blackstock, 2009), les enfants autochtones sont toujours surreprésentés dans les systèmes provinciaux de protection de la jeunesse, y compris au Québec (Lafrance et Bastien, 2007).
Même si la loi stipule que toute intervention doit prendre en considération les caractéristiques des communautés autochtones, l’application de la loi n’est pas toujours adaptée à leur réalité. L’incompréhension du mode de vie des autochtones et la méconnaissance des pratiques culturelles d’éducation et de protection des enfants par les travailleurs sociaux non autochtones expliquent en grande partie la surreprésentation des enfants autochtones dans le système de protection de la jeunesse (Kline, 1992; Sinclair et al., 2004).
Devant les constats accablants relevés dans la littérature, plusieurs communautés autochtones ont, depuis le début des années 1980, tenté d’endiguer le départ massif des enfants en créant leurs propres systèmes de protection de la jeunesse (Walmsley, 2005). En effet, plusieurs études récentes (Blackstock et Trocmé, 2005) démontrent que la gouvernance autochtone en matière de services sociaux donne des résultats positifs, puisqu’elle favorise le développement d’approches communautaires originales pour assurer la sécurité et le développement des jeunes autochtones. Cela pose toutefois des défis de taille aux communautés, notamment celui de convaincre les autorités de leur capacité à gérer un tel système, mais aussi de la pertinence d’un système différent fondé sur le respect de pratiques culturelles uniques et originales.
C’est dans un tel contexte qu’est né le partenariat de recherche sur la gouvernance innue en matière de protection de la jeunesse qui vise à mettre en valeur les pratiques éducatives et de protection des enfants innues. En adoptant une perspective constructiviste phénoménologique ainsi qu’une approche biographique fondée sur des récits de pratique, nous faisons le choix d’appréhender les pratiques éducatives des familles innues comme des constructions historiques et quotidiennes et de le faire à partir des familles elles-mêmes. Un tel regard porté de l’intérieur permet d’éclairer les choix réflexifs et originaux que font les parents innus en lien avec leurs pratiques éducatives.
De plus, à partir d’une analyse compréhensive des différents récits de pratique, nous ferons ressortir l’originalité de leurs méthodes d’éducation et de protection en mettant en perspective les fondements de la famille innue, le rôle et les responsabilités des membres de la famille élargie à l’égard des enfants ainsi que les principales stratégies d’éducation et de protection des enfants innus.
Cette mise en valeur des pratiques éducatives et de protection des enfants autochtones est pertinente et essentielle, car être un parent autochtone comporte des défis encore plus importants que la plupart des parents d’aujourd’hui. En effet, être parent autochtone, c’est être constamment soumis au regard de l’autre qui, par manque de connaissance sur leurs sociétés et leurs modes de vie et plus spécifiquement sur leurs pratiques éducatives, en arrive souvent à une image tronquée de la réalité, truffée de stéréotypes et de préjugés. Quand cet autre se trouve être un travailleur social, cette image tronquée de la réalité peut avoir des effets dévastateurs, non seulement sur les parents et les membres de la famille élargie, mais également sur tous les membres de la communauté (Guay, à paraître).
Mots clés :
Intervention sociale et travail social, Question sociale, Partenariat
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