Le travailleur social dans le champ de l’art et de la culture, une place à conquérir ?
Année : 2015
Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
MORONI Isabelle (Suisse) – isabelle.moroni@hevs.ch
Bianco Gaëlle (Suisse)
Résumé :
Notre communication a l’ambition de cerner les stratégies plurielles mises en œuvre par les travailleurs sociaux pour construire leur place dans les espaces culturels, producteurs d’une offre dite « professionnelle » (Musées, centres artistiques, théâtres…). Notre réflexion exploratoire repose sur une série d’études concernant aussi bien les politiques culturelles territoriales (Bender, Moroni, 2011), les trajectoires professionnelles dans le secteur artistique (Moroni, 2014) que l’appréhension des publics par les institutions culturelles (Bianco, 2013).
Notre propos se situe dans le contexte spécifique d’un territoire alpin qui est concerné par des référentiels d’action différents (Jobert & Muller, 1987 ; Zittoun, 2008) posant de manière contradictoire les fondements de la culture « légitime » (Bourdieu, 1979).
Malgré cette diversité, la gouvernance régionale a intensifié la professionnalisation du champ de la culture pour le « raccrocher » aux standards internationaux « d’excellence artistique » et pour pallier aux effets d’éparpillement des actions et des soutiens (Pidoux, 2000 ; Urfalino, 1989). En particulier, les critères de financement public des actions favorisant l’accès et la participation des publics à la culture ont été spécifiés pour privilégier des dispositifs de médiation culturelle portés par les agents issus du monde académique et artistique.
Ces opérations de classification entre une médiation culturelle dite « professionnelle » et celle jugée « non professionnelle » ont pour conséquence de rendre l’entrée des animateurs socioculturels dans les espaces culturels relativement difficile. Les travailleurs sociaux engagés dans des activités de médiation, encore très minoritaires, peinent ainsi à assoir leur légitimité auprès des autres professionnels de la culture. Leur formation n’étant pas reconnue, ils sont en partie exclus des dispositifs publics d’aides et de soutien.
Cette « mise à l’écart » du travail social de la médiation légitime et subventionnée renvoie au processus historiquement situé (Dubois, 2012) de différenciation entre le secteur culturel et celui de l’animation, porteurs de représentations antagonistes de la culture et de sa valeur collective (Greffe & Pflieger, 2009). Les élites politiques et culturelles du territoire n’échappent pas aux stéréotypes sur l’animation, comprise comme essentiellement orientée vers des pratiques de loisirs, instrumentalisant l’art au nom du lien social et de l’émancipation des populations (Lefebvre, 2010).
Or, au-delà de ce débat idéologique largement documenté, nous focaliserons l’attention sur les stratégies et les bricolages identitaires (Bayard, 1996) déployés par les animateurs dans ce contexte structurel de pouvoir faible.
À partir d’une recherche en cours, nous présenterons des figures de travailleur sociaux, révélatrices du degré de pouvoir et de légitimité dont ils disposent dans leur cadre professionnel. En articulant des dimensions qui portent sur le type de médiation privilégiée par l’institution (orientée sur l’objet d’art, l’institution ou le territoire), le degré de reconnaissance collective du métier et la capacité des individus à « bricoler » leur identité professionnelle, nous distinguons 3 figures de travailleur sociaux : « l’animateur empêché » ; « l’animateur assimilé », « l’animateur émancipé ». En s’inspirant librement de la typologie d’Hirshmann (1970), nous montrerons comment chacune de ces figures adopte alternativement ou exclusivement, des stratégies « de défection », « de prise de parole » ou « de loyauté » pour faire ou garder sa place.
Il s’agira, à travers cette communication, d’alimenter la réflexion autour du rapport entre le travail social et la culture. Notamment, comment penser et élargir la formation en animation pour préparer les futurs professionnels à s’affirmer dans le champ de la médiation culturelle.
Mots clés :
Animation, Médiation, Professionnalisation
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