Étudiants, précarités et résonances dans la formation en travail social
Année : 2015
Thème : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...
Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...
Auteur(s) :
VEYRIÉ Nadia (France) – nveyrie@irtsnormandiecaen.fr
Résumé :
La précarité est omniprésente dans nos sociétés occidentales où la réussite et la performance sont devenues des exigences. La norme sociale sous-tend, en effet, une adaptation rapide et efficace de la part des individus (Le Blanc, 2007 ; Rosa, 2012). Or, pour certaines générations, notamment les plus jeunes, la précarité est présente dès le départ, elle est presque "trop familière", étouffant le quotidien. Ainsi, il faut choisir les "bonnes" écoles qui conduisent à la réussite, choisir des études qui mènent à l’obtention d’un travail, scruter en permanence l’évolution du marché de l’emploi, cumuler les "boulots" et/ou des vies familiales, se créer un "réseau" de professionnels, d’institutions et même d’amis pouvant pallier à tout risque de précarités, etc.
À partir de ce contexte sociétal, nous souhaitons interroger la situation des étudiants confrontés à la précarité et, plus particulièrement, ceux inscrits dans la formation en travail social. Quelles formes peut prendre cette précarité ? Quels effets peut-elle produire ? Cette réflexion sera étayée par un corpus bibliographique, notre expérience de formatrice auprès d’étudiants en formation initiale et quelques témoignages de jeunes travailleurs sociaux diplômés sur leur vécu de la précarité pendant leur formation – que cette précarité soit économique, sociale ou psychologique.
En premier lieu, les étudiants sont souvent perçus comme s'inscrivant dans un temps transitoire (Bourdieu, 1992), celui des études. De fait, la précarité peut paraître invisible (Merleau-Ponty, 1986). Or, des travaux démontrent que les étudiants se trouvent dans des situations de précarité et même d’errance, par exemple en dormant dans leur voiture et en fréquentant des centres d’accueil de jour et d’urgence pour passer la nuit (Dequiré, 2007). Certaines enquêtes nationales françaises sur les conditions de vie des étudiants révèlent d’autres éléments d’analyse pertinents (Observatoire national de la vie étudiante, 2014) pour tenter d’identifier cette précarité. Pour autant, les étudiants inscrits dans les formations dans le travail social n’y sont pas pris en compte. Ceci nous interpelle étant donné qu’ils sont eux-aussi confrontés à une précarité multifactorielle (GRIF, 2009-2010).
Ensuite, dans quelle mesure le fait de connaître la précarité produit-il des effets dans la formation des étudiants et auprès des personnes démunies ? Dès les premières années de formation, les étudiants voient leur idéal – « aider les autres » – s’effriter face à la réalité du travail social, aujourd’hui, et de ses moyens (Autès, 1992 ; Fassin, 2004 ; Gaspar, 2012). Cet idéal est aussi altéré par les difficultés personnelles, psychologiques et/ou économiques des étudiants qui se manifestent par différentes formes dans les instances pédagogiques peut-être plus individualisées. Certains étudiants peuvent évoquer un manque de confiance, d’autres seront troublés par la résonance entre leur précarité et celle des usagers. D’aucuns seront altérés par des épreuves de la vie dans leurs années de formation. Des étudiants demeureront dans le non-dit, conscient ou inconscient, de la précarité qu’ils traversent. D’autres pourront à partir de leur vécu mettre en œuvre une compréhension de la précarité des personnes en difficulté comme un levier de la prise en charge. C'est alors la question des traces que laissent ces précarités auprès des étudiants pendant la formation et des effets en tant que jeunes professionnels dans l’accompagnement des personnes en difficulté qui se pose.
Enfin, la précarité interroge bien évidemment notre accompagnement en tant que formateurs des étudiants précaires et fragilisés au quotidien dans les formations. Quelles sont les frontières du visible et de l’invisible de cette précarité à plusieurs figures ? Quelles sont nos possibilités de former en fonction d'une réalité sociale qui insécurise ?
Mots clés :
Formation, Pauvreté, Crise sociale, Étudiants
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