Les espaces d’expression au sein des institutions qui accueillent des adultes ayant une déficience intellectuelle : alibi ou contrepouvoir ?

Année : 2015

Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

DELESSERT Yves (Suisse) – yves.delessert@hesge.ch
MASSE Manon (Suisse) – manon.masse@hesge.ch

Résumé :

En Suisse, contrairement au Canada ou aux pays du nord de l’Europe, la majorité des personnes ayant une déficience intellectuelle vit ou travaille dans des institutions. Durant ces vingt dernières années, ces institutions ont considérablement modifié les prestations qu’elles fournissent aux personnes qu’elles accompagnent. L’émergence des projets personnalisés a largement contribué à favoriser leur autodétermination dans différents domaines de la vie (formation, loisirs, travail, vie quotidienne, etc.) et à renforcer leur empowerment individuel. Toutefois, contrairement à la plupart des pays qui nous entourent, la Suisse n’oblige pas les institutions socio-éducatives à instaurer des groupes de parole ou d’expression qui permettent à leur bénéficiaires d’exprimer collectivement leur avis sur le monde en général, sur ce qui les intéresse et les préoccupe, et sur la bonne marche de l’institution en particulier.

Cette absence de cadre juridique n’a pas empêché les institutions de créer des groupes d’expression variés. Nous avons mené une recherche sur ces groupes pour mieux les connaître, notamment pour déterminer lesquels sont les plus aptes à favoriser l'empowerment collectif (Ninacs 2008), à savoir l’articulation entre la participation individuelle, la participation collective et la participation représentative (Hansotte, 2008).

Cette recherche a été financée par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) et par le Centre d’études de la diversité culturelle et de la citoyenneté dans les domaines de la santé et du social de la Haute école de Suisse occidentale (CEDIC). Elle a été réalisée en deux phases.
La première phase identifie les groupes d’expression existants dans les institutions romandes offrant des prestations d’hébergement et/ou d’occupation à environ 7’000 adultes ayant une déficience intellectuelle. Le recueil de données a été fait par questionnaire et a permis de dresser une première typologie de ces groupes.

La deuxième phase nous a permis de suivre quatre groupes dans quatre institutions de Suisse romande, sélectionnés selon plusieurs critères (caractéristique typologique, localisation géographique, taille de l’institution). Les méthodes de recueil du corpus ont été celles de l’observation simple de deux séances par groupe (espacées de 3 à 6 mois), suivie d’entretiens collectifs des membres des groupes, des personnes qui les animent et des directions. L’analyse de ces données a contribué à étoffer la typologie finale qui a été élaborée à partir de l’ensemble du corpus de données des deux phases de l’étude. Cette deuxième typologie identifie cinq catégories de groupes participatifs que nous avons intitulés: de reproduction-politique, fédératif, de satisfaction, de développement personnel et d’organisation de vie.

Notre communication porte principalement sur les résultats et les conclusions que nous tirons de cette recherche, plus particulièrement sur les facteurs qui freinent ou qui favorisent l’émergence d’une volonté collective. Elle pose également la question des limites institutionnelles à la participation des bénéficiaires : les institutions ont-elles vraiment intérêt à développer l’empowerment collectif des personnes qu’elles accueillent ? Ne courent-elles pas le risque d’ouvrir une boîte de Pandore qui libérerait des contre-pouvoirs difficilement maîtrisables, dans la mesure où ils auraient une réelle légitimité ?

Mots clés :

Autonomie, Citoyenneté, Espace démocratique, Handicap Déficience intellectuelle

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