Précarité de statut et de conditions de travail et construction d’une posture professionnelle : le cas des employées domestiques sans statut légal en Suisse romande.
Année : 2015
Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
ANDERFUHREN Marie (Suisse) – marie.anderfuhren@hesge.ch
Résumé :
Notre intervention vise à soulever la question des contours de la construction d’une posture professionnelle chez les employées domestiques en charge d’enfants au domicile de ces derniers (Child Care Workers – CCW- ou « careuses » d’enfants), plus particulièrement de celles des employées qui sont sans statut légal.
Elle est construite suite à une recherche (en voie de conclusion) menée par Prof. Véronique Pache et Marie Anderfuhren (HETS), sur la délégation parentale, dans le cadre privé, de tâches et responsabilités confiées à des employées domestiques pour assurer la garde et l’accompagnement d’enfants, pendant de nombreuses heures. Nous nous focaliserons dans cette présentation sur celles des employées qui sont sans statut, ou dont le travail n’est pas dûment déclaré. Les conditions de travail sont souvent très défavorables pour les CCW sans statut légal, notamment parce que bien que dotées de droits, elles ne sont pas en mesure de les faire valoir, au risque sinon d’une expulsion hors du territoire, et sont donc de fait dans une position très défavorable pour négocier un contrat de travail qui leur garantisse un train de vie suffisant, ni même pour faire respecter un éventuel contrat, une fois celui-ci obtenu. Cette situation est assez documentée .
Nous chercherons quant à nous plutôt à montrer le caractère intrinsèquement précaire de cet emploi dans sa quotidienneté, qui se manifeste dans l’instabilité des horaires, mais aussi dans la difficulté qu’elles ont à faire reconnaître ce qu’elles apportent réellement à l’enfant lorsqu’elles s’en occupent. Nous montrerons donc comment se construit l’invisibilisation de leur apport. Et nous nous questionnerons sur les raisons qui les poussent malgré tout à construire un « professionnalisme » qui espèrent-elles, les protégera un peu des multiples possibles déconvenues du travail. Nous tenterons quelques explications à ce soin pris dans l’exercice du métier. Nous mettrons en évidence trois aspects : 1) l’évolutivité et la perpétuelle modularité du travail et comment celles –ci construisent une incertitude générale. Evolution due à l’autonomisation progressive des enfants et aux multiples alea des parents. 2) La conscience de certains enfants du caractère dépendant et précaire des conditions des CCW et le besoin de parer à d’éventuels chantages de ceux-là. 3) La nécessité de se protéger des attachements affectifs qu’elles savent temporaires et potentiellement forts. 4) La relative impossibilité dans laquelle elles se trouvent de faire porter sur leur relation CCW- enfant, les conséquences des conditions de travail déterminées avec les parents- employeurs.
On ne peut parler s’agissant des « careuses d’enfants » ne permettent pas de parler de ce travail rémunéré comme d’une profession. En effet, si une activité rémunérée devient une profession pour autant qu’elle soit au bénéfice d’une formation reconnue, qu’elle s’inscrive dans une institution ou un lieu propre, et qu’elle jouisse d’une reconnaissance sociale minimale de son utilité et de la constitution d’un collectif la représentant officiellement (Beckers, 2007), rien de cela n’existe s’agissant des employées domestiques careuses d’enfants. Il est néanmoins tout à fait indiqué d’examiner comment ces travailleuses construisent leur professionnalisme, en quoi il consiste et ce qu’elles visent. Ce faisant , quel type de reconnaissance peuvent -elles espérer par ce travail ? Cet examen permet de comprendre comment se construit un travail de care dans des conditions précaires, où invisibilisation du travail et interdépendance entre employeurs et employées sont étroitement articulées. La précarité du travail est institutionnellement construite. Elle est donc mal contrée par la construction individuelle d’une posture quelque professionnelle qu’elle soit.
Mots clés :
Utilité sociale, Pauvreté, Professionnalisation, domesticité, professionnalisme, précarité
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