Vers une reconfiguration des liens entre travailleurs sociaux et usagers :
la réciprocité comme paradigme
Année : 2015
Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
CREUX Gérard (France) – gerard.creux@irts-fc.fr
Presse Sabrina (France) – sabrina.presse@wanadoo.fr
Résumé :
Cette proposition de communication a pour objectif de comprendre ce qui conduit des travailleurs sociaux à monter ou à participer à des projets artistiques dans le cadre de leur profession.
Bien qu’il ne s’agisse pas d’un phénomène nouveau, l’intégration dans le champ du travail social des pratiques artistiques interroge les conduites professionnelles et les effets qu’elles peuvent avoir sur les usagers à qui elles sont destinées, qu’ils soient en situation de handicap physique, mental ou social. Elles questionnent également les rapports qu’entretiennent les professionnels avec les usagers dans un contexte de plus en plus contraint, économiquement et humainement.
En effet, notre analyse de l’histoire du travail social nous a permis d’émettre l’hypothèse qu’il s’est « rationalisé », plus précisément qu’il est passé, au sens de Max Weber, d’une rationalisation par valeur, c’est-à-dire fondée sur des principes moraux et éthiques constitutifs des valeurs des travailleurs sociaux, à une rationalisation par finalité, fondée davantage sur des résultats « objectifs » et construits autour de notions telles que l’« évaluation », la « démarche qualité » ou encore les « bonnes pratiques », conduisant à davantage de normalisation dans les pratiques. Cette transition, à partir de ce point de vue théorique, nous a amené à avancer qu’elle provoquait chez les travailleurs une forme de « désenchantement » professionnel.
Aussi, dans l’optique d’un questionnement qui articulerait les pratiques artistiques et la démarche d’accompagnement social et/ou éducatif, et que nous utiliserons comme prétexte, nous interrogerons dans quelle mesure les travailleurs sociaux inscrivent leur pratique professionnelle à travers des ruses et des stratégies, se réapproprient les contraintes, et bousculent la « routine institutionnelle ». De ce point de vue, le concept d’habitus comme le rappelle Pierre Ansart devra nous aider « à comprendre comment les stratégies, rendues possibles par les apprentissages, peuvent se réaliser grâce à une maîtrise acquise du jeu social, sans une totale conscience de toutes les conditions du jeu ». Ainsi, les compétences ou les connaissances acquises par le travailleur social peuvent favoriser les « tactiques » pour reprendre les termes de Michel de Certeau, entendue ici comme « art du faible ».
Dans ces conditions et à partir de ce constat, nous avons été amenés à réfléchir sur le sens que les travailleurs sociaux accordaient aux projets artistiques qu’ils pouvaient mettre en place dans le cadre de leur profession. Ainsi, les pratiques artistiques, loin d’être des activités occupationnelles, peuvent s’inscrire dans une démarche informelle d’innovation sociale (la majorité des travailleurs sociaux qui ont des conduites artistiques considère que « c’est une autre manière de faire du travail social ») et d’accompagnement face au processus de rationalisation à l’oeuvre qui modifie les manières de faire de ces professionnels. Mais plus encore, elles changent le regard et les manières d’être qu’ils ont sur les usagers quelque soit leur handicap, et réciproquement. Elles sont, en effet, génératrices de plaisir et d’émotions partagées. La « distance », qui marque en quelque sorte la professionnalité de l’intervention, est renégociée au profit de bénéfices symboliques.
Enfin, nous verrons en quoi la condition émotionnelle, créée par la démarche artistique, peut être productrice d’un lien « durable » et à réduire le rapport de domination, et par conséquent la « violence symbolique », entre le professionnel et l’usager pour construire un rapport de réciprocité.
Cette réflexion reposera sur une enquête par questionnaire basé sur un échantillon composé de 668 travailleurs sociaux et d'une approche par entretien réalisé auprès de 22 professionnels ayant mis en place ou participé à des projets artistiques.
Mots clés :
Usager, Intervention sociale et travail social, Quête du sens
← Retour à la liste des articles