Cerner le contexte complexe des adolescents et adolescentes francophones minoritaires de l’Ontario
Année : 2010
Thème : Mieux comprendre et intervenir avec les interstices
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
DROLET Marie (Canada) – mdrolet@uottawa.ca
ARCAND Isabelle (Canada) – iarca001@uottawa.ca
GUAY Marie-Claude (Canada) – mguay101@uottawa.ca
Résumé :
La complexité qui façonne notre quotidien offre des défis à la construction identitaire des adolescents-es, dont à celle des jeunes francophones de l’Ontario, une province anglophone à 95%. Les Franco-Ontariens représentent 17% de la population d’Ottawa et 66% de Prescott-Russell, la région voisine. Cette jeunesse ne se reconnaît plus dans une vision monolithique de la francophonie présente chez les générations précédentes (Allaire, 2007; Gérin-Lajoie, 2008); elle ne correspond plus à la réalité de ces jeunes qui coexistent avec l’anglais. En 1971, 60% des mariages avaient lieu entre deux francophones; les couples exogames (français-anglais) totalisent maintenant 60% des unions où un des conjoints est francophone. Or, 75% de ces familles parlent l’anglais à la maison, s’avérant un facteur-clé d’assimilation (Corbeil et Lafrenière, 2010).
L’identité linguistique des adolescents-es réfère à la langue parlée dans leur famille. Ce construit se fonde sur leurs compétences langagières, la vitalité du groupe minoritaire et leur désir de s’intégrer à une des deux communautés linguistiques (Deveau, Allard et Landry, 2008). Les jeunes franco-ontariens parlent souvent un français dialectal teinté de l’anglais, générant un sentiment d’insécurité linguistique et une tension avec les adultes qui prônent le français standard (Boudreau et Dubois, 2008).
Face à ce tableau qui pourrait mener à l’effritement du tissu social, comment différents acteurs perçoivent-ils la situation linguistique de cette communauté minoritaire et la construction identitaire de ces jeunes? Pour y répondre, 20 entrevues qualitatives ont été menées en 2007 auprès d’intervenants-es des services sociaux et des écoles de Prescott-Russell. En 2009, des entrevues ont été complétées auprès d’adolescents-es de 12-13 ans (N=12) et leurs parents (N=6). Les verbatim ont été analysés de façon déductive et inductive (Huberman et Miles,1991).
Les divers acteurs perçoivent la situation différemment. Les intervenants-es, bien que conscients des obstacles auxquels ces jeunes font face, demeurent convaincus que ces derniers sont attachés à leur minorité linguistique. Ils sont persuadés que leur entourage affiche une fierté francophone véhiculée par les familles. Ils voient leur communauté comme homogène et consensuelle, sous-estimant sa complexité. La majorité des parents décrivent leur milieu familial et leur environnement comme bilingues. Ils valorisent ce bilinguisme en particulier pour l’accès accru au marché du travail qu’il procurera à leurs enfants. Attachés au fait français, ils comptent sur l’école pour assurer la continuité de la langue et de la culture francophones.
En revanche, les adolescents-es se définissent comme francophones et bilingues. Le bilinguisme devient alors un important facteur identitaire (Gérin-Lajoie, 2003; Boissonneault, 2004; Dallaire, 2004; Pilote, 2006; Deveau, Allard et Landry, 2008). Étant au cœur d’une étape de recherche d’identité, les jeunes peuvent choisir l’anglais au détriment du français et se distancer des adultes de leur communauté. Pour maintenir une image positive d’eux-mêmes, ils pourront rejoindre le groupe majoritaire, s’associer à sa culture largement valorisée et ainsi s’intégrer socialement (Tajfel et Turner, 1986). Les adolescents-es ne veulent-ils pas aussi s’ouvrir au monde, à celui qui va au-delà des frontières régionales et se distinguer d’une vision monolithique de la francophonie prônée par certains adultes?
Pourtant, un lien avec un adulte qui les soutient, un réseau d’amis positifs et la participation à des activités parascolaires sont associés à un sentiment d’appartenance à l’école, ici francophone. Intervenir à partir de celui-ci s’avère une piste appelant à dépasser les différences et l’écart inter-générationnel qu’elles créent. Elle invite à travailler avec ces interstices et consolider les intersections entre jeunes, familles, école et communauté afin qu’ils agissent en tant qu’acteurs de leur développement.
Mots clés :
Intergénérationnel, Complexité, Acteur de développement, francophonie minoritaire
← Retour à la liste des articles