Quelles solidarités interprofessionnelles face aux logiques institutionnelles actuelles de division du travail dans les structures du domaine du handicap en Suisse romande ?

Année : 2016

Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

GULFI Alida (Suisse) – alida.gulfi@hefr.ch
Perriard Valérie (Suisse) – valerie.perriard@hefr.ch

Résumé :

Suite à la multiplication des formations en travail social, cohabitent désormais, dans les institutions du domaine du handicap, des assistants socio-éducatifs (ASE) en possession d’un certificat fédéral de capacité, des éducateurs sociaux ES diplômés d’une école supérieure et des éducateurs sociaux HES au bénéfice d’un Bachelor d’une haute école spécialisée. La présence de ces professions de l’éducation sociale implique pour les institutions de repenser l’attribution des fonctions, la définition des cahiers des charges, ainsi que la répartition des tâches et responsabilités au sein des équipes. Dès lors quelles sont les « nouvelles » logiques institutionnelles de division du travail qui se mettent en place et comment les professionnels se positionnent-ils face à elles ? Quelles formes de collaboration (concurrence, coopération, complémentarité) les ASE, les éducateurs sociaux ES et HES développent-ils et sur quelles bases ?
Cette communication prend appui sur les résultats d’une recherche (2014-2016) qui visait à mieux comprendre la manière dont s’opère l’articulation entre des ASE, des éducateurs sociaux ES et des éducateurs sociaux HES dans les structures résidentielles du domaine du handicap en Suisse romande. Au total, 46 entretiens semi-directifs ont été réalisés avec des professionnels concernés et des directions de 18 institutions de deux cantons romands.
Les résultats mettent en évidence deux logiques institutionnelles de division du travail. La première, dite de la non-différenciation, consiste à ne pas distinguer entre les trois profils éducatifs qui sont tous engagés à la même fonction d’éducateur, partagent un cahier des charges unique, avec des responsabilités et activités prescrites identiques. La deuxième logique, la différenciation, implique une distinction sur le plan formel entre les éducateurs sociaux ES/HES, engagés à la fonction et avec un cahier des charges d’éducateur, et les ASE, employés en qualité d’ASE ou d’éducateur auxiliaire. La différence concerne principalement les responsabilités, notamment la référence de résidents, qui revient aux éducateurs sociaux ES/HES. Elle implique également une différence de position : les ASE agiraient sur délégation et sous la responsabilité des éducateurs sociaux ES/HES. Si la cohabitation entre professionnels de l’éducation sociale de niveaux de formation différents semble généralement synonyme de concurrence et de tensions accrues (Chopart, 2000 ; Conq, 2010 ; Dubar, 2003), les résultats montrent, cependant, que la collaboration entre les trois profils éducatifs fonctionne bien, quelle que soit la logique institutionnelle à l’œuvre en matière de division du travail. En effet, les professionnels ne se laissent pas, sur le terrain, enfermer dans le travail prescrit et inscrivent leurs activités dans des logiques professionnelles (Aballéa et al., 2000). Si avec la logique institutionnelle de la non-différenciation, les ASE, les éducateurs sociaux ES et HES sont supposés exercer les mêmes responsabilités et activités, indépendamment de leur formation, les résultats indiquent qu’ils se répartissent le travail à l’intérieur des équipes, en aval du cahier des charges, en fonction des connaissances spécifiques du métier, compétences, champs d’expertise, expériences et intérêts respectifs. Les professionnels s’apportent en outre, selon un principe de réciprocité, un soutien mutuel pour réaliser les responsabilités et activités qui leur sont attribuées, en fonction de leurs points forts. Dans les institutions où se développe la logique de la différenciation, les professionnels revendiquent le maintien d’une certaine transversalité dans le travail ainsi qu’une collaboration de type horizontal. Le souhait de maintenir une bonne collaboration au sein des équipes et un accompagnement de qualité des résidents sont à la base de ces solidarités interprofessionnelles, qui apparaissent fondamentales au fonctionnement de chacune des logiques institutionnelles de division du travail.

Mots clés :

Culture professionnelle, Intervention sociale et travail social, Solidarité

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