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Une expérience pédagogique "solidaire" de resserrement de la norme...

Année : 2016

Thème : ... pour résister aux dynamique d'extrémisation

Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Auteur(s) :

ROTH Xavier (France) – xavier.roth@univ-grenoble-alpes.fr

Résumé :

Depuis janvier 2015, la Fondation du Camp des Milles – Mémoire et Éducation est saisie de multiples demandes d’éducateurs qui s’inquiètent de l’adhésion croissante des jeunes qu'ils accompagnent à des styles de pensée extrême. L’attachement de certains d’entre eux à la valeur de solidarité, qu’ils comprennent comme une promotion de l’entre soi, initierait dans bien des cas un processus d’extrémisation : l’instauration d’une séparation entre « eux » et « nous » déboucherait en effet très rapidement sur une logique de légitimation de paroles et d’actes à caractères racistes, antisémites et xénophobes.
Considérant que rien de sérieux ne peut être conduit en termes d'éducation et de prévention indépendamment des professionnels de terrain, une équipe d’universitaires et d’éducateurs s’est constituée autour du projet d’éducation à la citoyenneté de la Fondation du Camp des Milles.
Reposant sur le pari que l’être humain peut apprendre de son histoire, cette recherche-action vise à évaluer jusqu’où la connaissance réflexive des dynamiques d’extrémisation individuelles, collectives et institutionnelles qui ont par le passé conduit au pire, permet aujourd’hui de s’en affranchir. C’est pourquoi elle se déroulera dans les murs d’un ancien camp d’internement et de déportation, abritant aujourd’hui un musée d’Histoire et des sciences de l’Homme où sont présentées aux visiteurs des clés de compréhension pluridisciplinaires des processus génocidaires. Le support retenu pour cette recherche prendra la forme d’un atelier pédagogique à destination d’une partie des 38 000 adolescents qui visitent chaque année le Site-mémorial. Co-construit avec le service éducatif du camp des Milles, il fait suite au volet dit « réflexif » du parcours muséographique et a fait l’objet d’une validation scientifique par le Rectorat de l’académie d’Aix-Marseille.
Partant de l’hypothèse théorique que les processus d’extrémisation mettant à mal la solidarité se traduisent par un resserrement de la norme acceptée, l’objectif sera alors de faire en sorte que les jeunes puissent faire par eux-mêmes, et dans les limites d’un jeu argumentatif, l’expérience d’un tel resserrement normatif. Fonctionnant ainsi selon le principe du débat mouvant, l’atelier placera collectivement les élèves devant une succession de conflits de normes construits à partir de courts extraits du film La Vague.
Au plan de la recherche, l’enjeu de cet atelier est double. 1°) Il s’agira tout d’abord de mettre au jour le socle cognitif que mobiliseront les jeunes au cours du débat mouvant : quelles normes, quelles procédures intellectuelles, quel type de rationalité convoqueront-ils afin de trancher une série de dilemmes où la relation à l’Autre sera de plus en plus tendue au fil de l’argumentation qu’ils auront à développer ? 2°) Une fois identifié et analysé, ce socle cognitif devra faire l’objet d’un travail par les protagonistes de l’atelier eux-mêmes, que nous retrouverons individuellement puis collectivement dans leur institution quelques semaines après leur visite du Site-Mémorial. En s’appuyant sur la méthode de l’ « autoconfrontation » développée en analyse de l’activité, l’objectif de ce second moment sera tout d’abord d’obtenir chez les jeunes une mise à distance critique des dynamiques d’extrémisation auxquelles ils auront été confrontés durant l’atelier. Les résultats de ces distanciations individuelles feront ensuite l’objet d’une reprise collective, où jeunes, éducateurs et chercheurs co-institueront les savoirs et savoir-faire essentiels au maintien de la solidarité qu’il convient de retenir de cette expérience.

Mots clés :

Citoyenneté, Norme, Recherche-action, convergence des mémoires racismes, antisémitisme, xénophobie

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