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KHOURY Jamilé (Liban) – jamile.khoury@usj.edu.lb

Une étude exploratoire portant sur l’analyse du système de protection de l’enfance au Liban (MOSA–UNICEF-USJ, 2012) montre que la mission de protection se présente floue et fragmentée. En l’absence d’un mandat formel de protection et d’un fragile partenariat interministériel et intersectoriel, les organismes sociaux et les membres de la communauté se positionnent comme des autorités organisatrices de la protection. Ils ne se limitent pas ainsi au rôle transitoire - supplétif qui leur est dévolu et décident ou non de signaler.

Une idéologie familialiste génère des interventions spontanées, des évaluations et des prises de décisions subjectives occasionnant à l’enfant une victimisation secondaire. Des pratiques d’intervention individuelles, normalisatrices et moralisatrices sont conduites par des intervenants opérant « en solo » avec une interprétation abusive du secret professionnel.

Un contexte clanique, aussi délicat que contraignant, entrave la protection des mineurs réfugiés (palestiniens, irakiens, syriens) bien que la loi garantisse à tout mineur au Liban un traitement sans discrimination.

Il était donc impératif de revisiter la politique de prise en charge des mineurs en danger, afin de consolider le système par des procédures opérationnelles standardisées (POS) et une méthodologie de prise en charge unifiée et des outils fiables. Cette démarche initiée par le Ministère des Affaires Sociales en collaboration avec L’UNICEF et L’UE fut conduite par l’Ecole Libanaise de Formation Sociale de Université Saint Joseph de Beyrouth.

Dans le cadre d’une recherche développement (Harvey S, Loiselle J, 2009) , une consultation publique menée durant 18 mois (2012-2013) mobilisant des instances ministérielles, sociales, médicales, éducatives et juridiques ainsi que des acteurs de la société civile a abouti à la construction, l’appropriation et la diffusion des POS (MOSA – UNICEF- USJ, 2015). Ce processus fut jalonné par des étapes concluantes :
-Exploration de la documentation existante et des outils
-Engagement des décideurs et acteurs – terrain dans un processus participatif actif de construction des POS.
-Enrichissement des POS par la consultation de la littérature scientifique et opérationnelle d’autres pays.
-Finalisation des POS, expérimentation et validation.
-Formation et coaching des intervenants terrains.
-Appropriation par le MAS et diffusion.

Ce processus ouvert et inclusif fut une expérience porteuse de bénéfices inespérés sur le plan des solidarités. Les différents secteurs s’engageant dans une démarche collective, développent leur rapport, délimitent leurs rôles, se reconnaissent mutuellement et construisent des intérêts communs. Loin de la concurrence, ils investissent leurs ressources en faveur d’un but commun, celui de faire face à la maltraitance des mineurs.

Liés par un devoir commun, un leadership étatique partagé par les ministères concernés (Justice, Affaires sociales, Intérieur et des municipalités) a été créé. Le Ministère de l’éducation n’a pas tardé à les rejoindre. Sur le plan national ce fut une collaboration innovante Etat- Acteurs terrain –Université pour la consolidation des stratégies et des pratiques.

Au niveau des organisations gouvernementales et non gouvernementales, un changement d’approche d’évaluation, de décision et de prise en charge s’est opéré, basé sur une relecture des intérêts famille - enfant. Les interventions basées dès lors sur des outils fiables, permettent des décisions éclairées.

Du côté des organisations internationales opérant en faveur des réfugiés, une révision de leurs propres mécanismes d’action suscite un repositionnement - ralliement au système de protection libanais et de sa loi.

Les différentes solidarités bâties ont consolidé les jalons de pilotage du système de protection au Liban fondé sur une transformation profonde du regard posé sur la protection, sa philosophie et son garant.

Subsidiarité, Co-construction, Démarche intersectorielle