PDF FR

Développer solidairement une communauté en santé: l'apport des coopératives de santé du Québec

Année : 2016

Thème : Proposition ajustée

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

Tremblay Sabrina (Canada) – sabrina_tremblay@uqac.ca

Résumé :

Depuis les années 1980, le Canada vit des problèmes importants avec ses services de santé de première ligne, ce qui se traduit au Québec par un accès difficile aux médecins de famille (Dion, Asselin, Guilbault, & Rivard, 2013). Les coopératives de santé (CS) du Québec sont justement apparues au courant des années 1990 afin de pallier cette difficulté à l’échelle locale. Les CS ont comme objectif d’impliquer les membres d’une communauté dans la production de services de santé afin de favoriser, promouvoir ou maintenir la santé des individus et les conditions qui lui sont favorables (Brassard & Darou, 2012). Les CS sont intéressantes à étudier, car leur développement s’est fait au départ malgré l’État qui n’est pas habitué à voir d’autres acteurs s’inviter dans la gestion ou la production des services de santé. En plus d’être portées par un mouvement de mobilisation local très important, les CS semblent être l’expression d’une volonté de trouver une solution collective à un problème vécu individuellement. En ce sens, on associe souvent la mise sur pied d’une CS au développement du pouvoir d’agir communautaire (Girard, 2011), encore que cette dernière affirmation n’ait pas fait l’objet d’études spécifiques sur le sujet.

Ces assertions ont attiré notre attention dans le cadre de nos études doctorales, car le processus d’empowerment est encore mal compris, ce qui mène parfois à une utilisation erronée (Bacqué & Biewner, 2013). Afin, donc de mieux comprendre pourquoi et comment une CS peut signifier l’empowerment de la communauté, nous avons réalisé en 2013 une étude exploratoire de cas unique (Yin, 2009), soit celui de la Coopérative de santé de la municipalité régionale de comté (MRC) Robert-Cliche (Québec, Canada). À partir du cadre théorique de l’empowerment de Ninacs (2008) nous avons observé les quatre dimensions de l'empowerment communautaire : participation, compétences, communications et capital communautaire. Au total, 27 entretiens de recherche semi-dirigés ont été réalisés avec des membres de la CS et avec des acteurs clés de la communauté. Une analyse de contenu thématique du corpus documentaire relatif à la CS a aussi été réalisée. Toutes les données ont été traitées à l’aide du logiciel Nvivo 10.

Nos résultats démontrent très clairement comment le processus d’empowerment communautaire a pu se réaliser au travers de la CS Robert-Cliche. D’abord, la coopérative est en soit un dispositif de participation formel rassembleur qui a pu canaliser l’implication des individus vers des objectifs précis. En développant son propre empowerment (organisationnel), la CS est ainsi devenue une compétence collective, capable de mieux répondre aux besoins en santé exprimés que ne le font les cabinets de médecins privés du milieu. Pour ce faire, elle a dû décloisonner les réseaux de communication existants pour établir des partenariats plus forts et nombreux, même avec des partenaires situés en dehors du secteur de la santé. Enfin, les succès de la CS a permis à la population locale de s’identifier positivement à la MRC Robert-Cliche et aussi de servir d’exemple au travers du Québec. Cela a facilité la mobilisation de 2e vague autour de l’approche en promotion et prévention de la santé initiée par la CS. En ce sens, la coopérative de santé Robert-Cliche peut certainement être qualifiée de «véhicule» (Chaskin, Brown, Venkatesh, & Vidal, 2001), celui qui permet aux individus de développer leur propre empowerment dans une communauté qui maîtrise de mieux en mieux son propre développement. En dernière analyse, on constate que le pouvoir d'agir de la MRC Robert-Cliche s’observe par le renforcement de ce que Durkheim (1967) appellerait la solidarité. Si, auparavant, on parlait de la MRC comme d’une localité, elle se rapproche maintenant beaucoup plus de l’idée de ce que l’on se fait d’une véritable communauté (Bhattacharyya, 2004).


Mots clés :

Communauté, Service de proximité, Santé

← Retour à la liste des articles