HUMBEECK Bruno (Belgique) – galion.peruwelz@publilink.be
DEFERT Fabienne (Belgique) – fab.defert@skynet.be

L’institution est un organisme vivant. En tant que tel elle entérine les changements sociétaux en s’adaptant à ce qui est attendu d’elle. En favorisant l’expression singulière du vécu individuel, en respectant le rapport que le sujet entretient avec sa propre temporalité et en se montrant capable, par l’inter-vision, la supervision, de remettre en question ses propres modes d’intervention et de les adapter à chaque situation particulière, l’institution indique sa volonté de prendre en compte la manière dont un sujet construit son identité au sein de son environnement social. L'institution peut contribuer à engager l’individu dont elle accompagne le développement sur la voie d’un projet personnel émancipatoire.
En modifiant sa manière d’envisager le soutien psychosocial, sur le plan des pratiques d’intervention qui y sont légitimées, elle produit des conséquences sur la manière dont la personne soutenue construit son identité. Nous analyserons à ce propos les quatre directions essentielles dans lesquelles se manifeste l’évolution des formes de prise en charge :

1. De l’aide sociale distribuée à l’action sociale produite

En distribuant de l’aide sociale, l’institution induit une forme de relation qui enferme l’autre dans un statut permanent d’assisté. Assujettie, soumise et passive, la personne en difficulté risque de percevoir le dispositif de soutien comme une charge supplémentaire dans sa revendication identitaire.

En produisant de l’action sociale, l’institution tend avant tout à stimuler chez la personne aidée une activité qui lui soit significative. Avec l’émergence d’un tel paradigme de l’acteur (Javeau, 2003), l’individu devient un sujet actif, créatif et participatif. (Jeanson, 1987, de Gaulejac, 2009). Par la participation, il enracine dans le social son activité individuelle et, ce faisant, lui confère un sens collectif.

2. De l’objet d’intervention au sujet en développement

Réduit à une dimension d’objet, l’individu est conduit à se comporter comme l’éternel asocial à redresser, l’ignorant à instruire, le malade à soigner, l’inadapté à réadapter, le marginal à réintégrer, le traumatisé à relever ou l’autre à entendre (Ion, 2002).

Entrer dans une logique de subjectivation et d’individuation en intégrant l’idée qu’il fait partie d’une communauté reconnaît à l'individu une existence individuelle. L’épanouissement du sujet est au cœur du processus de socialisation.


3. De la résignation à la conscience identitaire

Les institutions peuvent provoquer des mécanismes de résignation identitaire.
Adoptant alors une posture de victime ou parfois rendant responsable la collectivité de sa situation, l'individu se résigne et se met en situation d'incapacité d'agir sur soi et pour soi : ce phénomène pouvant aller jusqu'au désespoir absolu et la grande précarité.

Par opposition, les institutions peuvent se fixer pour règle de produire une individualité capable d'agir par elle-même. L'institution d'action sociale poursuit cet objectif en amenant le sujet à produire une activité créative.


4 De l'individu agit par son histoire au sujet agent d'historicité

Les institutions d’aide considèrent l’individu comme essentiellement agi par son histoire. Elles ne prennent pas en compte son pouvoir d’agir, sur lui-même, et par lui-même.

Dans les institutions qui privilégient l’action sociale, l’individu, est au contraire invité à céder la place à un sujet autonome, apte à devenir acteur, grâce, notamment à la technique des récits de vie.
En donnant du sens à sa trajectoire de vie et en définissant un projet de développement personnel nouveau (valorisé par l’institution), le sujet reprend les rennes de son histoire et inscrit son évolution dans un processus de reconstruction identitaire à laquelle participe pleinement le discours institutionnel.

Nous insisterons sur le rôle des travailleurs sociaux et le lien qu'ils entretiennent avec les usagers et sur la formation à de nouveaux outils.

Institution, Acteurs, Lien social