La souffrance au travail chez les intervenants professionnels en Centres intégrés de santé et de services sociaux au Québec.
Année : 2016
Thème : Portrait de la souffrance au travail.
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
Roy Geneviève (Canada) – groy001@yahoo.fr
Résumé :
Depuis les dernières décennies, le thème de la souffrance au travail fait l’objet d’une attention croissante pour plusieurs chercheurs. Nous constatons que les intervenants professionnels qui évoluent au sein des établissements sociosanitaires constituent une communauté fragilisée à l'égard de ce phénomène, une résultante de la modernisation managériale et porteuse d'une réalité subjective peu prise en compte à l'égard de leur professionnalité (Biron, 2006; Girard, 2009; Linhart, 2015; Molinier et Flottes, 2012; Richard et Mbonimpa, 2013). Plusieurs études scientifiques démontrent que beaucoup de travailleurs sont porteurs d'une souffrance, dont les changements perpétuels au sein des pratiques professionnelles en seraient la cause (De Gaulejac et Hanique, 2015; Dejours, 2015). Cette souffrance dite taboue se manifeste par le silence, les non-dits, par de l'isolement, du ressentiment, des formes de désolidarisation professionnelle, etc. Cette dimension subjective entre en tension avec les conditions objectives des pratiques organisationnelles, souvent difficiles et précaires. Ainsi, afin de voiler cette souffrance émergente, les intervenants professionnels développeraient des stratégies défensives.
À la lumière des données recensées jusqu’à présent, on remarque que la souffrance au travail résulte d’une articulation entre une dimension objective, relative aux conditions de travail, et une dimension subjective ayant trait à l’individu. Cette articulation s’accomplit grâce à des médiations que réalise l’ensemble des professionnels et des gestionnaires dans un contexte de grands changements sociaux qui bouleversent à la fois le système de santé et de services sociaux et les agents qui interviennent au sein des institutions qui le composent. C’est en effet par une médiation entre les dimensions objective et subjective qu’une dynamique particulière se crée et à partir de laquelle il est possible de mieux comprendre la nature de la souffrance qui émane de tout cet investissement réflexif et subjectif que déploie l’intervenant dans le cadre de conditions de travail concrètes.
Dans un tel contexte d’augmentation des cas de souffrance au travail, et compte tenu de la récente réforme du réseau sociosanitaire québécois, il est permis de croire que ce phénomène suscite beaucoup de questionnements, de réactions chez des intervenants professionnels d’un Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la région de l'Abitibi-Témiscamingue au Québec. C’est dans un souci de rendre davantage visible cette situation qu’une recherche de maîtrise en travail social a cherché à documenter la souffrance au travail que peuvent vivre ces intervenants professionnels, en dégageant les éléments des dimensions subjective et objective qui la sous-tendent. L’étude, qualitative de nature descriptive et exploratoire, a privilégié une analyse de contenu d’un corpus de données composé d’entrevues semi-dirigées réalisées auprès d’intervenants professionnels du CISSS et issus de différents champs professionnels (travail social, sciences infirmières, ergothérapie, physiothérapie, psychoéducation, orthophonie et sciences de la nutrition).
Cette communication présentera les résultats ayant découlé de cette analyse, dont ressortent différentes formes de souffrance au travail. Il s’agira ensuite de soulever les enjeux qui en découlent. Cette recherche s’est avérée un levier fort intéressant, à la fois pour les gestionnaires des établissements, considérant les besoins et les solutions ciblées par les participants, ainsi que pour l’avancement des connaissances sur ce phénomène encore malheureusement tabou. En portant un regard sur la souffrance au travail sous l’angle des médiations, les intervenants professionnels auront des éléments de réflexion leur permettant d’amorcer un processus réflexif sur leur propre souffrance au travail qui, aux yeux du collectif, pourrait favoriser l’émergence de nouvelles solidarités dans les pratiques organisationnelles.
Mots clés :
Secteur public, Modernisation, Médiation
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