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Enseignement universitaire en alternance et dynamiques relationnelles

Année : 2016

Thème : Quand l'Alma Mater engendre des actes de solidarité

Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Auteur(s) :

GODFRIN Cédric (Belgique) – cedric.godfrin@ulb.ac.be
SYLIN Michel (Belgique) – msylin@ulb.ac.be

Résumé :

Enseignement universitaire en alternance et dynamiques relationnelles
Quand l'Alma Mater engendre des actes de solidarité

En 2016, l’Université libre de Bruxelles a initié un master en sciences du travail, en alternance, dans le cadre d’un projet financé par le Fonds social européen. Une des spécificités de ce master se traduit par le public prioritairement visé, à savoir des demandeurs d’emploi inoccupés. Pour sa première année, le master en alternance compte 80% d’étudiants ayant un statut de demandeur d’emploi.

D’un point de vue conceptuel, l’alternance place l’étudiant dans un processus d’apprentissage expérientiel (Kolb, 1984) accordant au sujet du pouvoir pour se former ainsi que la capacité d’agir sur la (re)construction de ses représentations de soi et des autres (Clenet, 1998). Dans ce cas d’espèce, la formation en entreprise, centrée sur l’activité professionnelle, apparait également comme un terreau propice à l’activation de l’identité de « travailleur » au détriment de celle de « chômeur », plus soumise à la « menace de stéréotype » (Dagot, 2007), conduisant normalement les étudiants concernés à aborder le cursus avec une meilleure estime de soi.

En pratique, en vue de rejoindre le master en alternance, les étudiants ont dû rechercher un lieu de stage. Ce qui pourrait en première lecture être assimilé à un état de concurrence, effet pervers de l’alternance (Vanhulle, Merhan & Ronveaux, 2007), stimula en réalité le tissage de nœuds de solidarités au sein du collectif des étudiants du master en alternance, et ce sous des manifestations protéiformes : création d’un groupe Facebook, recherche collective de lieux de stage, réunion de réflexion, groupe d’étude, covoiturage…

Le groupement de demandeurs d’emploi pour mener des actions collectives solidaires n’est pas novateur en soi, à l’instar des Comités de Travailleurs Sans Emploi (Faniel, 2006). Cependant, ce qui caractérise l’objet d’analyse ici est la collectivisation des dynamiques relationnelles pour autoriser et garantir des trajectoires de formation individualisée.
D’un point de vue méthodologique, afin de comprendre les mécanismes de solidarité mis en place par les étudiants du master en alternance, une étude des traces d’activité a été menée, dont notamment une analyse textuelle, effectuée avec le logiciel Iramuteq, des échanges tenus sur la page du groupe Facebook. Au niveau temporel, l’étude couvre la période du mois d’août au mois de décembre 2016.

L’analyse des échanges et des dynamiques communicationnelles de groupe étudiés démontre que le « web participatif », défiant les « conceptions classiques de la solidarité » (Auray, 2009 et 2011), consacre un espace de construction de solidarités relativement efficace pour une communauté universitaire. Plus concrètement, l’étude discerne trois thématiques structurées autour de la recherche d’un lieu de stage, l’entraide pour la réussite des cours et la résolution de problèmes administratifs ainsi que le renforcement des liens sociaux au-delà du cadre académique. L’étude pointe également l’apport motivationnel dégagé par ces dynamiques, décelable directement par les messages d’encouragement réciproques ou via l’organisation de rencontres relevant du « concept d’organizing » (Donzelot & Mevel, 2002). En outre, on constate que le collectif d’étudiants a mis en place une production de « liaisons durables et utiles » (Bourdieu, 1980) permettant de construire un réseau entretenu régulièrement par l’activité des membres du groupe.

En marge de ces processus solidaires conscients et volontaires se dégage le rôle institutionnel de l’université, soit la place qu’elle devrait occuper au sein de ce dispositif d’entraide bâtit, a priori, sur « les dimensions d’altruisme et de sympathie » (Blais, 2008), enzymes naturels de l’idée de solidarité. La prescription en la matière cantonnerait plutôt l’institution à une fonction de « facilitateur », n’intervenant pas directement dans les dynamiques relationnelles, mais collaborant activement (sur demande) aux activités, et allouant le cas échéant des espaces de rencontres et de discussions.

Mots clés :

Solidarité, Groupe, Lien social, Enseignement en alternance

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