FUGALDI ANNE-SOPHIE (France) – asfugaldi@irtsnpdc.fr
JANSON valerie (France) – janson.valerie@gmail.com

La contribution proposée porte sur une recherche menée en 2015 par l’équipe pluridisciplinaire du Pôle Recherche de l’IRTS Hauts-de-France, subventionnée par la DRJSCS. Elle porte sur le lien social dans la précarité.
Le rapport Wresinski indique en 1987 que les nouvelles conditions de la pauvreté sont à mettre en lien avec « le relâchement du tissu des solidarités ». Serge Paugam (2008) relie les formes de solidarités et les liens sociaux qui en découlent. Comment ces liens se déclinent-t-ils, pour les personnes accompagnées dans le champ de la précarité. Nous avons souhaité questionner la représentation d’une précarité corollaire de la fragilité des liens sociaux.
Une première phase exploratoire a consisté à aller à la rencontre des professionnels intervenant auprès des publics en situation de précarité. Elle visait à appréhender leur façon de définir la précarité, le lien social, mais également à recueillir les pratiques qu’ils mettent en œuvre pour repérer et accompagner le lien social. Les travailleurs sociaux mettent en avant l’inscription citoyenne et l’accès au droit commun, et portent peu l’accompagnement des liens de filiation et de participation élective (Paugam, 2008). Nous observons des discours, représentations et pratiques très diverses du lien social, mais découvrons également que l’accompagnement social n’est pas toujours le meilleur vecteur pour pouvoir les saisir. La pratique du professionnel vise parfois à préserver l’intimité des usagers, et ces derniers masquent parfois leurs liens pour pouvoir bénéficier de l’accompagnement social. Cette analyse nous a amené à repenser la méthodologie, en retournant vers les personnes concernées, par le biais d’une démarche inductive, visant à comprendre : Qu’est ce qui fait lien social dans la précarité selon les personnes accompagnées ?
L’équipe a réalisé douze entretiens, sur une méthode compréhensive (Kaufmnan, 2007), afin de recueillir le discours des personnes sur leurs liens sociaux : Sur qui comptent-ils ? Pour qui comptent-ils ? Qui compte sur eux ? Nous proposons dans cette communication d’en retracer les principaux résultats, permettant d’éclairer le sens des pratiques d’accompagnement autour de la solidarité.
Chaque individu est de fait inscrit dès sa naissance dans le lien social et dans les enjeux de la transmission (Douville, 2012). La question est de savoir quelle position le sujet occupe dans ce discours et si les places dans ce discours peuvent changer. Les personnes rencontrées nous ont transmis des récits sur leur parcours où figurent de nombreuses ruptures. Ces récits illustrent la mise à mal de leurs liens sociaux et du mécanisme de solidarité, notamment dans le domaine familial. Les discours des personnes accompagnées révèlent l’importance de ne pas être réduit à la place de débiteur. Elles nous rappellent que la solidarité ne peut s’inscrire en dehors de la réciprocité, qui est peu permise dans le cadre de l'accompagnement social professionnalisé. Toutefois, c’est parfois cet accompagnement qui permet à la personne de préserver son image et de pouvoir développer de nouveaux liens de réciprocité.
Cette recherche montre en quoi la précarité n’est pas synonyme de défaillance ou de manque de compétences sociales mais, bien davantage, que la précarité provoque des situations où le pouvoir d’agir est empêché de s’exercer. Quand celui-ci parvient à se restaurer, les savoirs expérientiels développés nous permettent de comprendre comment se retisse le lien social. Il s’agit pour les travailleurs sociaux de repérer comment sont perçues par les personnes concernées les fonctions du réseau social, afin d’ajuster leur rôle (modèle de Sluzki in Born et Lionti, 1998). La communication permettra de rendre compte de la façon dont l’accompagnement social peut se situer dans la préservation, la consolidation ou la construction des solidarités.

Lien social, Solidarité, Intervention sociale et travail social