La parole des femmes : point aveugle des politiques sociales de solidarité envers les femmes victimes de violences conjugales en France ?
Année : 2016
Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
JACQUOT Mélanie (France) – melanie.jacquot@unistra.fr
THEVENOT Anne (France) – anne.thevenot@unistra.fr
METZ Claire (France) – claire.metz@unistra.fr
Résumé :
Cette communication s’inscrit dans le cadre d’une recherche française interdisciplinaire visant à explorer les déterminants inédits à l’œuvre dans les violences conjugales, violences concernant tous partenaires intimes, passés ou présents, mariés ou non, vivant ou non ensemble. Celles-ci, par leur ampleur et par leur gravité, alarment depuis les années 2000 l’opinion et les pouvoirs publics (enquête Enveff, 2000). Un élan de solidarité envers les femmes victimes la promotion et le développement de politiques de prévention, toutefois sans que l’on puisse réellement repérer une régression significative du phénomène en France ; ce qui ne paraît pas être le cas dans d’autres pays (De Neuter, 2012 ; Jaspard, 2007). En effet, d’après l’enquête de 2014 menée par l’Agence Européenne des Droits Fondamentaux "9,5% des femmes de France métropolitaine ont subi des violences conjugales" (Guillam, Ségala, Cassagne, François, et Théot, 2015, p 388). La prévention de celles-ci comme la prise en charge des victimes offrent donc un champ d’investigation complexe et nécessaire : peut-on penser que l’organisation des services sociaux, la mise en œuvre de ces politiques de solidarité et de protection des femmes échoueraient à enrayer ces violences ? Pourquoi ? Est-il possible de repérer certains facteurs de ces butées ?
La violence conjugale peut être appréhendée comme la trace possible de l’organisation majoritairement patriarcale des sociétés, indice des rapports sociaux de sexe entre les hommes et les femmes dans le monde. Mais si le genre et l’étude de ses effets sur les modalités d’identification subjective est à considérer de près, ils sont à penser étroitement liés à la manière dont s’est noué le lien conjugal électif présent ou passé entre les partenaires intimes et à la spécificité de leurs violences conjugales (Metz et Thevenot, 2015). Du point de vue subjectif "la psyché reprendrait, dans ses formes d’édification, l’organisation sociopolitique" (Ayouch, et Salomao de la Plata Cury Tardivo, 2013)
C’est ainsi l’occasion de s’appuyer sur l’outil d’analyse qu’est le genre et la notion de vulnérabilité, nécessaires pour penser les processus historiques, sociaux, subjectifs liés aux violences au sein du couple. Le corps féminin est en ligne de mire dans les violences, corps exposé car corps de femme, souvent destinataire de la violence. Ce corps intime et corps social en même temps, nous conduit à chercher à comprendre comment dans une société donnée se sont mises en place la perception et la construction des corps (Legouge, 2010) ainsi que les effets de leur rencontre dans la construction du lien conjugal et de ses violences.
A partir de toutes ces interrogations, et du constat que si les professionnels se font les porte-parole des femmes, peu de femmes se font entendre elles-mêmes, nous avons souhaité les rencontrer et écouter leur parole. Sur le plan méthodologique, nous avons mené 36 entretiens semi-directifs avec des femmes hébergées dans des foyers d’urgence, étudiés selon la méthodologie de l’analyse de contenu et du discours, ainsi qu’au moyen des logiciels d’analyse de données textuelles Tropes et Iramuteq. L’analyse des entretiens nous a permis d’entendre que des facteurs psychologiques identifiables, notamment la répétition transgénérationnelle des violences, des situations de détresse vécues dans l’enfance, l’intériorisation des normes genrées, peuvent faire obstacle à leur désir de changement, à la reprise en main de leur vie, et au final à la solidarité bienveillante des professionnels. Le défi pour les politiques sociales et leurs acteurs est alors de concilier cette prise en compte des facteurs psychologiques, les questions du genre, de la construction des corps, de la vulnérabilité en tant que les enjeux qu’elle véhicule sont porteurs d’effets sur les populations ainsi désignées.
Mots clés :
Solidarité, Traitement social, Urgence sociale, violences conjugales
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