PDF FR

Le projet Monsieur...Trois mondes réunis dans une société fracturée

Année : 2016

Thème : « Casser » les jugements et stéréotypes réciproques, créer des espaces d’échange sur nos représentations, entre publics fragilisés et travailleurs sociaux en devenir pour influer sur les pratiques mais aussi se mobiliser et prendre la parole ensemble contre les inégalités

Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Auteur(s) :

COURTOIS Nathalie (Belgique) – courtoisn@helha.be
MOURIN Barbara (Belgique) – baramourin@hotmail.com
THIRION SAMUEL (Belgique) – s.thirion@ciep-hainautcentre.be

Résumé :

En Belgique francophone, la vie des mouvements d’éducation permanente est jalonnée de partenariats, parfois improbables, parfois porteurs de promesses qui débouchent sur des projets inédits, mobilisateurs et moteurs de dynamiques collectives réellement émancipatrices pour les principaux concernés, à savoir les citoyens. Le projet « Monsieur » est à compter parmi ceux-là.

La présentation dans les grandes villes wallonnes d’un spectacle théâtral traitant de la pauvreté a initié un long et impressionnant processus inédit réunissant trois mouvements d’éducation permanente (MOC avec le CIEP - Alpha - Equipes populaires - Vie féminine et une école supérieure (HELHA avec son implantation sociale à Mons) .

Notre pari, permettre à nos publics, personnes vivant des situations de grande précarité et étudiants, futurs assistants sociaux de se rencontrer, se comprendre, confronter leurs représentations. Cette rencontre de « trois mondes » que sont ceux de l’école, des professionnels de l’action sociale et des publics a permis de dépasser une approche théorique et académique et de toucher des AS en devenir pour influer sur les pratiques. Pour cela, nous avons créé des espaces et des temps d’échanges qui ont jalonné deux années académiques dans le cadre des cours de sociologie politique.

Au niveau de l’école, le projet a démarré en janvier 2016 avec un groupe de 110 étudiants en BAC 2 AS et s’est finalisé en avril 2016 avec ces mêmes étudiants alors en BAC 3. Au niveau des associations, les publics des associations ont été présents tout au long du processus et ont rassemblé une moyenne de 60 personnes, pas toujours de manière uniforme

Le résultat est allé au-delà de nos attentes puisque ces rencontres ont donné naissance à des constats communs, devenus revendications portées collectivement lors de manifestations publiques et des rencontres avec le monde politique.

Conscients du caractère inédit de ce projet, il nous semble pertinent de confronter les résultats de celui-ci aux théories développées par des auteurs tels que Saïd Bouamama et Abraham Franssen. Le premier interroge les mécanismes de domination à l’œuvre dans notre société et les manières de lutter contre ces dominations ? Quant au deuxième, il interroge la fonction du travailleur de terrain « tiraillé » entre les injonctions sociales, les commandes institutionnelles et l'éthique de la profession. De fait, la place accordée au vécu et au pouvoir des citoyens et la « solidarité » questionnent dans un contexte d’interventions sociales de plus en plus formatées où position d’alliance avec les publics et lien social s’effritent.

Comment sortir d’une position de professionnel dépositaire d’un savoir et d’un pouvoir ? Que mettre en place pour reconnaître la réelle expertise des publics et leur capacité d’action ? Quelles conditions réunir pour qu’une réelle convergence des luttes soit possible ?

Comme le théorise Castel (2003:29), « l’insécurité sociale n’entretient pas seulement la pauvreté. Elle agit comme un principe de démoralisation, de dissociation sociale à la manière d’un virus qui imprègne la vie quotidienne, dissout les liens sociaux et mine les structures psychiques des individus ». Dès lors, la construction du lien social, socle de toute société égalitaire selon Rosanvallon (2011) a été au cœur de notre travail. Nous avons veillé à faire vivre ce principe d’égalité alors même que notre société est fracturée et qu’elle fait de la division des citoyens sa principale source de domination.

Si ce projet nous a permis de mesurer à quel point la pensée de Robert Castel était lucide, celui-ci a également été une opportunité de lutte et de résistance collective à cette dissolution des liens sociaux en mobilisant la capacité d’analyse présente à des degrés divers chez les futurs travailleurs sociaux et chez les publics généralement muselés par notre société au nom de leur prétendue incapacité à penser et à agir par eux-mêmes.

Mots clés :

Solidarité, Vivre ensemble, Transfert des connaissances, Pouvoir d'agir Mobilisation -action collective

← Retour à la liste des articles