la fonction de coordinateur, révélatrice des effets de la modernisation sur les solidarités dans les métiers du travail social.

Année : 2016

Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

JANSON valerie (France) – janson.valerie@gmail.com

Résumé :

Notre communication se propose d’analyser les effets de la mutation du travail social sur les formes de solidarités professionnelles, par le prisme de la fonction de coordinateur se développant dans des établissements du secteur social et médico-social. Une démarche ethnographique réalisée dans le cadre d’une thèse de doctorat en sociologie nous a permis d’observer les transformations à l’œuvre dans les formes de solidarités professionnelles, d’en identifier les enjeux et les obstacles. Notre recherche est issue du paradoxe suivant : alors que certains coordinateurs rendent compte dans des forums d’échange de la difficulté à endosser ce rôle flou de « coordination d’équipe », comment comprendre l’absence de mobilisation collective de leur part ?
La reconnaissance du métier d’éducateur spécialisée a été animée par l’Association Nationale des Educateurs de Jeunes Inadaptés (Boussion, 2007). Il s’avère toutefois qu’une fois la reconnaissance établie par l’Etat, cette association n’est pas parvenue à obtenir le contrôle de la profession (Goode, 1960). De ce fait, ces métiers évoluent par le biais de politiques sociales et des réformes des qualifications, en fonction des problématiques sociales mais aussi de la façon de penser le lien social et la solidarité. Ce premier constat nous a amené à questionner, pour la création des fonctions de coordinateur, la corrélation entre évolutions sociétales et évolutions organisationnelles.
Une analyse multiscalaire révèle que la création des fonctions de coordinateur est une des réponses adoptées par les organisations pour faire face à des facteurs macrosociaux politiques, législatifs, économiques et sociaux. Cette réponse traduit une évolution des fondements du travail social et de la vision de la solidarité. Si François Dubet (2002) soutient le fait que l’on observe un déclin des fondements du travail social, notre analyse révèle que nous assistons au contraire à une réinstitutionnalisation du travail social autour d’un nouvel idéal représenté par la logique gestionnaire (De Gaulejac, 2012). Celle-ci est mobilisée par tous les acteurs pour expliquer les différentes évolutions du travail social, témoignant d’un sentiment de déterminisme.
A un niveau microsocial, nous constatons que les nouveaux modes de management freinent l’émergence de solidarités professionnelles : absence de formalisation d’un statut, d’un profil de poste, de formation, variété des activités, horaires différenciés et réunions ne permettant que des échanges verticaux… Les coordinateurs développent des pratiques "professionnelles personnelles". Ce qu’ils vivent dans leur unité leur semble différent de ce que vivent les coordinateurs des unités voisines. Ils notent l’absence d’un collectif qui permettrait la construction d’un nouveau groupe d’appartenance, d’un "nous". Si la possibilité de se reconnaître en l’autre, de partager des préoccupations communes dans un cadre restreint est empêché, force est de constater que l’appartenance à une identité collective plus large de « coordinateur » semble impossible. Ce mécanisme à l’échelle microsociale explique les freins à la construction d’une identité collective et donc l’absence de revendication.
Ces analyses renseignent la façon dont la modernisation entrave les mécanismes de solidarité. Liberté, autonomie et reconnaissance sont autant de progrès qui masquent une dynamique d’individualisation, de « sur-humanisation », (Linhart, 2015). Notre communication vise à interroger ce qui pourrait faire aujourd’hui solidarité professionnelle, et la place que peuvent prendre les établissements de formation, acteurs clés de la socialisation professionnelle (Dubar, 2000), dans le processus de constitution d’une identité collective.

Mots clés :

Solidarité, Management social, Modernisation

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