Pour être solidaire des valeurs autochtones en contexte de violence conjugale et familiale , stratégies individuelles ou collectives ?
Année : 2016
Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
MONTMINY Lyse (Canada) – l.montminy@umontreal.ca
BRASSARD Renée (Canada) – renee.brassard@svs.ulaval.ca
Résumé :
Au Québec, comme dans le reste du Canada, la violence conjugale et familiale en milieu autochtone constitue un problème social dont l'envergure est alarmante. Son taux de prévalence y est nettement supérieur à celui observé dans les milieux non autochtones. Elle est même considérée par certaines études comme « la problématique la plus pressante des sociétés modernes » (Wallace, 2002, p. 298). Pendant plusieurs siècles, les peuples autochtones ont été soumis à des politiques et à des pratiques d’assimilation qui ont entrainé des effets dévastateurs sur les familles et les communautés qui perdurent encore aujourd’hui (Walby, Armstrong, Strid, 2012; Irvine, 2009; Down, 2008). L'histoire des Amérindiens et des Inuits du Québec et du Canada, ainsi que les conditions de vie auxquelles ils ont eu à faire face au fil des siècles ont entrainé des liens de solidarité extrêmement forts et une grande proximité relationnelle entre les membres des diverses communautés autochtones. Essentielles à leur survie depuis toujours, ces caractéristiques font aujourd'hui encore partie des habitudes relationnelles autochtones. Ainsi, les personnes en plus d'appartenir à une même communauté et à une même Nation sont également liées par des liens de parenté, proches ou lointains. Dans ce contexte, où les relations familiales sont indissociables des liens communautaires comment peut-on intervenir pour préserver cette solidarité dans les situations de violence entre conjoints ? Puisqu’un grand nombre de personnes se trouvent affectées par une situation conflictuelle entre deux conjoints, une forte pression est exercée sur ces derniers en faveur du maintien de ces liens. Dans ce contexte, les modes collectifs de prise en charge sont-ils plus pertinents que les stratégies individuelles ?
Bien que les hommes autochtones soient concernés au premier plan par cette problématique, les données de recherche s'intéressant à leur point de vue et à leur expérience des conflits conjugaux demeurent quasi-inexistantes (Ellington, Brassard, Montminy, 2015). Et ce, en dépit du fait que plusieurs organismes autochtones du Canada et du Québec n'ont cessé, au cours des deux dernières décennies, de décrier l'absence de travaux de recherche qui mettent en lumière la manière dont les hommes autochtones perçoivent et expérimentent la violence conjugale qui les concerne (Ontario Native Women's Association, 1989; Dumont-Smith et Sioui-Labelle, 1991; Femmes Autochtones du Québec/FAQ, 2008). Aucune étude québécoise ne s'était non plus encore penchée sur le discours des hommes autochtones sur la violence conjugale et familiale.
Afin de mieux saisir la réalité des hommes autochtones en contexte de violence conjugale et familiale, nous avons mené une recherche-action collaborative pour explorer avec ces hommes des solutions qui respectent les valeurs humanistes au coeur des traditions spirituelles autochtones. Nous voulions mettre en perspective leur expérience et saisir comment et en quoi les réponses sociales mettent en valeur le potentiel des personnes à multiples précarités à se sortir de leur situation en respectant leurs valeurs et leur dignité trop souvent bafouées par nos institutions. Lors de la présentation, nous ferons état des données recueillies qui mettent en exergue les défis associés à la marge d’action des intervenants sociaux lorsque des problèmes conjugaux surviennent auprès des populations où les liens « tissés serrés » rendent leur résolution plus complexe. Nous aborderons également des pistes d’action susceptibles de générer certains changements sur les pratiques des intervenants sociaux, notamment de recréer des liens entre les différents acteurs. Nous référons ici aux personnes elles-mêmes impliquées dans les situations de violence conjugale et familiale, mais également aux différentes instances, dont le milieu judiciaire pour qui la solidarité dans les milieux autochtones est une valeur très peu considérée dans les interventions.
Mots clés :
Solidarité, Communauté, Recherche-action
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