DESMARAIS DANIELLE (Canada) – desmarais.danielle@uqam.ca

Cette communication mettra en lumière l’expérience de la solidarité vécue par des jeunes en difficulté fréquentant des organismes communautaires autonomes (OCA) québécois de la grande région de Montréal. D’un point de vue conceptuel, l’expérimentation et la mise en œuvre de la solidarité entre jeunes et avec l’organisme qui leur offre un accompagnement éducatif se situe au carrefour de théories du développement humain et de l’éducation à la citoyenneté démocratique Nussbaum (2011; 2009) ainsi que des éthiques de la sollicitude (Tronto, 2009; Brugère, 2009; 2006).

Notre compréhension du développement humain s'appuie entre autres sur l'acquisition de capabilités et sur l'atteinte d'un équilibre émotionnel pour chaque personne (Nussbaum, 2011). Les capabilités se définissent comme différentes combinaisons de fonctionnements dont chaque personne doit pouvoir disposer dans tous les domaines essentiels de la vie. « Justice et solidarité ont partie liée » (Mesure et Savidan, 2006 : 1116). Plusieurs capabilités contribuent à dynamiser une démocratie soucieuse des individus : la capacité de réfléchir, de raisonner et d’argumenter. S’ajoute une méga-capabilité selon laquelle l’humain vivant en démocratie arrive à dépasser les intérêts locaux pour affronter les problèmes mondiaux en « citoyen du monde ». Le paradigme du développement humain comprend un second groupe de capabilités orientées directement sur les rapports avec autrui qui contribuent à construire les liens sociaux (René et Duval, 2008), au fondement de la solidarité.

L’éducation à la citoyenneté démocratique est composée de divers contenus : connaissances, habiletés ou capabilités et valeurs (Nussbaum, 2011). Les éthiques de la sollicitude placent pour leur part cette dernière au cœur de la définition de l’humain et du social, tout en proposant « des nouvelles façons de faire et de penser l’éducation » (Snauwaert, 2015 : 23).

Cette recherche s’inscrit dans une approche clinique (Sévigny, 1993; Desmarais et al, 2007) et biographique (Desmarais, 2016) qui inclut tous les niveaux de la réalité sociale. Dans le présent texte, nous prenons appui sur deux types de données : l’entretien biographique individuel et la passation d’un questionnaire socio-démographique. La recherche a pu compter sur la participation de 28 jeunes qui fréquentent 10 OCA, lesquels sont affiliés à 3 Regroupements. La proportion de garçons et de filles est relativement équilibrée et la moyenne d’âge est de 20 ans. La durée de fréquentation du milieu communautaire se situe, en moyenne, à presque 2 ans.

Dans sa diversité, la mission fondamentale de ces OCA reflète la variété des difficultés que vivent les jeunes et auxquelles ils tentent de répondre. La situation du jeune à son arrivée à l’OCA et le type de rapport que ce dernier établit avec l’organisme constituent les points de départ du processus de développement humain que le jeune acquerra durant sa fréquentation de l’OCA et aussi de l’éducation à la citoyenneté proposée dont les pratiques de solidarité constituent un élément significatif.

Notre recherche a montré que l’accompagnement éducatif des OCA québécois s’appuie sur les deux piliers de l’éducation à la citoyenneté démocratique : 1) le développement individuel du jeune et, plus précisément, de sa réflexivité, de sa liberté de pensée et de son autonomie ; 2) la prégnance de la situation éducative de groupe, dans laquelle émerge et croît une « culture sociale » (Nussbaum, 2011) favorisant le développement de l’empathie et de la sollicitude ainsi que les pratiques citoyennes, dont des activités de solidarité.

Cette recherche présente un vif intérêt pour nos partenaires (les 3 Regroupements) qui souhaitent bonifier leurs pratiques d’éducation à la citoyenneté ainsi que pour la recherche sur les parcours de jeunes en difficulté, notamment sur le dépassement d’épreuves sociales nombreuses, par la culture sociale développée dans les OCA, laquelle valorise la solidarité entre jeunes.

Vivre ensemble, Citoyenneté, Formation