BÉLANGER Eve (Canada) – eve_belanger@uqar.ca
GENEST DUFAULT Sacha (Canada) – sacha_genest-dufault@uqar.ca

Depuis les 40 dernières années, on assiste au passage d’une société moderne à une société moderne avancée (7). Ce changement paradigmatique constitue une fracture de sens caractérisée par l’individualisme, le néo-libéralisme et une mondialisation des économies, des communications et des réseaux (4). Cette crise de la modernité présente des avantages quant aux potentialités subversives mais entraine aussi un éclatement des marqueurs sociaux. Les individus sont plus que jamais laissés à eux-mêmes avec la fatigue ontologique que cela implique (5, 6) dans une société en redéfinition, incertaine. Dans les pratiques sociales, cette incertitude se remarque par une complexification et un alourdissement des problématiques qui présentent plus qu’avant des situations de concomitance, de comorbidité, etc.

En réaction à cette complexification du social, à une société de partage du risque (2, 3), les États mettent en place des mécanismes de régulation spécialisés. En temps de crise, les sociétés se tournent vers les figures d’experts pour redonner un sens à l’incompris, à l’inconnu (7). On remarque une professionnalisation de la réponse sociale avec l’apparition de champs disciplinaires, aux identités fortes et inscrites dans un cadre législatif. Au Québec, cela réfère aux Ordres professionnels, dont ceux impliqués dans la dispensation des services sociaux.

De cette professionnalisation émergent différents enjeux légaux, politiques et éthiques qui induisent une tension entre les disciplines intervenant sur les mêmes réalités. Il en résulte sans surprise une crise de l’identité professionnelle : « Qui suis-je pour intervenir sur cette situation? Qui sont les autres qui y œuvrent? Que sais-je faire que les autres ne savent pas? »

Pour le travail social, cette crise identitaire se manifeste à deux niveaux : interdisciplinaire et intradisciplinaire. Concernant l’interdisciplinarité, i.e. le travail de concertation entre des professionnels de formations diverses autour d’une même situation clinique, l’enjeu est de faire reconnaître sa spécificité en préservant la souplesse requise par la variabilité des contextes de pratique. Récemment au Québec, le législateur est intervenu avec la loi 21 modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines qui réserve, ou partage, certains actes professionnels à des disciplines spécifiques. Il est ardu d’assumer une identité forte de travailleur social sachant les enjeux paradigmatiques et les paradoxes intrinsèques à la profession (1, 9); un défi qualifié ici d’intradisciplinarité. Dès lors, la formation et l’identité professionnelle ont été ciblées comme des thèmes à investir par l’OPTSQ (8). Cela a conduit à la réalisation d’un référentiel de compétences et de guides de pratique adaptés aux diverses organisations. Cette crise identitaire pose la question de l’adéquation entre les enjeux de pratique et la formation. Comment aider les futurs intervenants à travailler en interdisciplinarité? Comment les accompagner dans la construction d’une identité professionnelle à la fois forte et souple?

À l’Université du Québec à Rimouski, dans le cadre d’un programme de formation initiale en travail social, quatre approches sont utilisées au cours du stage pratique. Ces médiums et leur pertinence pour les enjeux de formation relevés seront présentés dans cette communication. On trouve un récit de formation, où l’étudiant réfléchit à sa trajectoire d’apprenant, donc aux racines de son identité professionnelle. Des comités cliniques sont réalisés pour échanger sur les réalités de stage. Les étudiants s’y entraînent à prendre parole dans des équipes interdisciplinaires. Un travail d’analyse de milieu est demandé où ils se penchent sur le rôle du travailleur social dans l’équipe. Enfin, ils partagent sur des forums virtuels, questions et enjeux sur leurs expériences.

Formation, Professionnalisation, Complexité, Interdisciplinarité Identité