Expérimenter la solidarité dans un projet pilote de médiation interculturelle à Genève

Année : 2017

Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

BATTAGLINI Monica (Suisse) – Monica.battaglini@hesge.ch
HASDEU Iulia (Suisse) – iulia.hasdeu@hesge.ch

Résumé :

Depuis le début des années 2000, à Genève, ville au niveau de vie parmi les plus élevés au monde, 200-300 Roms/Tsiganes migrants très pauvres vivent dans la rue tout en effectuant des allées retours, (en parcourant 2000 km environ), entre leur lieu d’origine (Roumanie) et la ville de Calvin. Ces personnes, qui proviennent essentiellement des poches de pauvreté de Roumanie, se sont retrouvées malgré eux au centre d’un débat public sur l’une de leurs pratiques de survie : la mendicité. Un débat empreint de populisme qui a clairement contribué à renforcer les clichés sur la figure essentialiste du « Rom mendiant » alors que les études récentes montrent l’hétérogénéité des personnes pratiquant la mendicité. Ce débat a débouché en 2007 sur l’adoption d’une loi qui interdit la mendicité à Genève. L’application stricte de cette loi par la police, couplée à l’interdiction totale de tout abri de fortune, aboutit à un renforcement de l’extrême précarité de ces migrants tout en consolidant les représentations stéréotypées du « Rom mendiant ».
C’est dans ce contexte de mise en œuvre de politiques d’exclusion de l’espace public, mais aussi de rejet tout court ce qui est perçu comme une migration de pauvres, que depuis 2015, un projet pilote de médiation interculturelle a vu le jour par l’initiative d’une travailleuse sociale avec le soutien actif de CARITAS Genève. Inspiré par des projets soutenus et mis en place par le Conseil d’Europe dans d’autres pays, le projet genevois emploie deux personnes d’origine rom et a un fonctionnement basé sur la mixité des origines. Le bilinguisme (sa coordinatrice genevoise parlant le Roumain) et surtout l’interculturalité de l’équipe sont des éléments essentiels du projet.
Notre présentation se base sur une première série de résultats issus de la recherche en cours qui accompagne l’action de terrain du projet CARITAS et qui consiste à observer et analyser son fonctionnement dans la médiation interculturelle. Soutenu par un fond de recherche destiné aux projets d’innovation, ce projet de recherche-action vise la collecte et l’analyse des données issues de l’observation étroite du dispositif et de son implantation dans le réseau d’acteurs déjà présents dans le champ de la prise en charge des personnes en situation de précarité à Genève.
La présente communication s’insère dans l’axe 2 du congrès « Les expérimentations et la mise en œuvre des solidarités aujourd’hui ». Elle se focalisera sur l’analyse des différents types et niveaux de solidarités : interculturelle (entre migrants et habitants), interindividuelle (entre migrants), interinstitutionnelle (entre les acteurs intervenants auprès des migrants), aussi bien que celle entre les membres de l’équipe du projet. Ces différentes solidarités sont à la fois principe, méthode et résultat du projet. Dans cette présentation nous allons mettre en perspective le caractère innovant, aussi en termes d’opportunités et de limites, des outils et des stratégies mis en place pour susciter, soutenir, renforcer les solidarités dans la première année de fonctionnement du projet.
Nous allons questionner également la hiérarchie et les ambiguïtés des aspects relevant de la solidarité – quel niveau de solidarité prend le pas sur l’autre et pourquoi, dans quelles conditions ? Au final nous allons interroger de manière critique la capacité ou non du projet à résister, pas ces différentes formes de solidarité, à la pression managériale et sécuritaire qui pèse sur les politiques sociales et migratoires genevoises à l'intérieur de laquelle il doit agir.

Mots clés :

Solidarité, Action communautaire, Médiation, Migration, Roms

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